Analog Dakar Club – Edition 2
Analog Dakar Club – Edition 2
Je recevais à la boite à idée, un après midi d’août trois Dj’s. Dj Prez Staycalm à l’initiative du concept de soirée Afro Latine, Maketo son acolyte et partenaire d’affaire et Nandy Cabrera, Deejay venu d’Uruguay invité pour cette seconde édition d’Analog Dakar Club. Venu avec douze kilos de vinyle et avec Luca Pastore, l’un de ces amis napolitain, pour enregistrer leur projet RITMI & RUMORI à Toubab Dialaw avec le chanteur sénégalais Donald Boucal. Nandy aka Selectorchico était ravi d’être de passage au Sénégal et très enthousiaste à l’idée de nous faire découvrir la musique afro-uruguayenne lors de cette soirée qui s’annonçait inoubliable.
La discussion allait bon train. Prez et Chico étaient des mélomanes authentiques, de vrais amoureux du vinyle. Ils m’expliquaient comment sur certains disques de musique afro-cubaine, on pouvait entendre l’acoustique de la pièce dans laquelle les musiciens faisaient les prises, parfois on entendait même les rythmes changeaient ou les erreurs du batteur. Mais pour eux tout cela participait finalement à la chaleur de la musique à son humanité en paradoxe à une époque plus contemporaine où aujourd’hui les enregistrements n’ont plus aucun défaut. La machine a pris le dessus!
Selector Chico (Note biographique) : DJ et producteur Uruguayen depuis 1999, passionné de musique afro-latine. Il sort cette année la compilation « Macondon Revisitado » sur le label Vampi Soul (Espagne), explorant les liens entre Afrique et Amérique du Sud à travers une sélection de titres du label uruguayen indépendant Macondo Disco (1975-1978), surnommé « La Fabrique Subtropicale ».
Selector Chico a donc quitté l’Uruguay, a fait escale à Naples pour finir son voyage à Dakar avec ces 50 vinyles pour le bonheur du public dakarois. Ce voyage a était difficile comme il l’explique, le poids du matériel a souvent causé problème. Les vinyles, l’ordinateur, les micros, tout ce matériel est précieux. Les vinyles qu’il collectionne et chine à travers le monde, sont pour la majorité d’entres eux des inédits, des bijoux de la musique afro-uruguayenne des années 1970 – 80. L’un de ces objectifs, en venant en Afrique, c’est de recréer le lien historique entre l’Amérique Latine et le continent.
Comme Prez le rappel, ces liens existent depuis forts longtemps, n’en déplaisent aux politiques. La musique du continent a voyagé et s’est installé en Amérique du nord, aux Antilles et en Amérique du sud. Il y’a depuis les années 1940, un pont culturel évident entre les continents. L’initiative de ces amoureux de la musique est essentielle car ils nous rappellent cette histoire commune. Aujourd’hui les hommes ont du mal à voyager mais la musique elle, continue à traverser les continents. Dans leurs collections de vinyles, on peut retrouver des morceaux de musiciens maliens ou guinéens enregistrés aux Antilles, à Cuba dans les années 50 & 60. Pendant de nombreuses années les jeunes musiciens ouest africains allaient étudier à Cuba ou dans les caraïbes. C’est d’ailleurs pour cela que les premières générations de musiciens sénégalais composaient une musique métissée entre salsa , merengue, cha cha cha. Le livre sur la Musique Sénégalaise édité de Papis Samba, édité par Vives Voix reprend bien cet historique. « Tous ces vieux musiciens de Mbalax sont d’anciens salséros. Ce qui est intéressant selon nous, c’est qu’ils ont réussi à amener leurs touches à ces influences latines »
Prez Staycalm (Note biographique) : DJ Prez garde de son enfance passé en Martinique un goût prononcé pour les musiques noires. Après ces débuts à Paris à la fin des années 90 au sein du collectif Staycalm! , faisant la promotion du funk, des musiques afro et tropicales bien avant que cela ne devienne une mode, Il découvre l’Afrique en 2004 au cours du tournage du documentaire « Fangafrika, la voix des sans voix », le premier documentaire multimédia sur le phénomène rap ouest-africain, qu’il a coréalisé avec le Staycalm! Crew. Il collabore alors régulièrement avec des artistes hip hop du Burkina Faso et du Gabon où il s’installe en 2009. Cet amoureux des disques vinyles vit désormais au Sénégal où il partage son amour de la soul, du funk et du hip hop en mixant régulièrement.
Le Vinyle reste destiné à un public de niche, ne pensez vous pas que c’est un frein à la diffusion de la musique ?
Chico : « Non pas du tout ! En réalité, je m’en fou du support, je peux travailler sur ordinateur et sur tous les logiciels modernes actuels. Je choisis de prendre les vinyles parce qu’ils ont une histoire. En faite tout est partie d’une exposition, que j’ai organisé il y’a quelques temps, où je présentais les pochettes de vinyles de musique uruguayenne des années 1970. Pendant l’exposition je jouais ces disques. Après ça j’ai eu envie de rencontrer les musiciens de l’époque et de les interviewer. Je suis allé à leur rencontre avec les disques originaux. Ces disques ont quarante ans d’histoire je voulais qu’ils me racontent cette histoire. Un projet documentaire est né suite à çà, puis une mixtape que j’ai diffusé gratuitement sur internet. Revisitando Macando Le vinyle reste un support de qualité pour les amateurs et les collectionneurs. C’est le point de départ, jamais une fin… C’est un objet très puissant qui lui perdure. »
Revisitando Macondo, le mixtape, expo, et dj set de Selectorchico™
https://www.youtube.com/watch?v=uRhrDJwhjMU
https://www.youtube.com/watch?v=QHYUIqsO06g
Macondo Revisitado, le double album ré-edition vinyle.
Pour Analog Dakar Club est-ce l’un de vos objectifs, que d’inviter un nouvel artiste à chaque édition ?
Prez : « Oui si l’occasion se présente pourquoi pas. On aimerait bien avoir à chaque édition un invité qui s’intéresse au sujet, après c’est une question de moyen et d’organisation. C’est vrai qu’au Sénégal, on est peu nombreux à être intéressé par le vinyle et la musique afro. On a des connections sur l’international mais ici c’est une scène qui est un peu sous représentée. Ce qui est quand même absurde vu que la musique vient d’ici. Le collectif Analog Dakar Club reste de toute façon ouvert à toute collaboration. »
Et le public dans tout ca ? Écoute t-il vraiment la musique des quarante dernières années ?
Prez : « On est toujours agréablement surpris. Souvent dans les soirées, les gens viennent à nous et demandent où retrouver les morceaux. Ils nous interrogent souvent sur un titre qu’ils apprécient etc. Même dans la nouvelle génération, les jeunes connaissent et s’intéressent à la musique qu’on joue. On essaye toujours sur le blog où le compte instagram de raconter l’histoire des musiques qu’on joue. Le mixe est un outil narratif, on ne se contente pas de passer un morceau. On essaye de raconter l’histoire de ces musiques. »
Un mot de la fin ?
Chico : « On est là pour le partage. Je suis là grâce à la musique c’est elle qui m’a ouvert les portes. Je suis là pour servir la musique, pour écouter, échanger et partager avec le public. »
Prez : « Les morceaux d’aujourd’hui sont très éphémères. Le vinyle, lui dure dans le temps. C’est un bel objet, c’est grand, y’a de l’image, les crédits, les lyrics parfois. Si tu en prends soin, il peut t’accompagner pendant quarante ans alors que les Cds où les cassettes sont perdues. »
Chico : « C’est aussi la différence entre l’analogique et le digitale. L’analogique est continue, le numérique lui est découpé. Quand on enregistrait sur magnétophone à l’époque, le son des basses, des graves, des percussions étaient continues, il n’y a pas de grain. Quand tu mixes sur un vinyle, tu peux descendre très bas dans les ondes. Le vinyle est finalement plus fidèle à ce qui est arrivé en studio, que ce que tu peux entendre maintenant, malgré l’avancée de la technologie. »
Retrouver les artistes :
Instagram : Selector chico / AnalogDakarClub
Facebook : Selector chico / AnalogDakarClub / Prez Staycalm