Hot! Xuman, Monuments Man

Xuman

Monuments Man.

 

 

J’ai rencontré Xuman il y’a bien deux années de çà.  Déjà à l’époque, je lui avais proposé de faire une interview pour Wakh’Art. Par manque de temps et certainement d’organisation de ma part, cette interview n’avait pu se faire. C’est seulement aujourd’hui, qu’en fin de compte nous arrivons à faire cette interview.  C’est chez lui, à Liberté 6, que Xuman me reçoit. Pendant près de deux heures, nous discutons autour de l’industrie musicale, de ses constats après ces 25 années de carrière.

 

Comment te définis-tu aujourd’hui ?

« Au début, j’avais un univers assez fermé. J’écoutais et je faisais essentiellement du Hip-hop, même si au fond de moi je voulais m’ouvrir à d’autres choses… Peut -être qu’à ce moment là, je n’avais pas les armes pour le faire. Donc on faisait que du Hiphop, même si dans le groupe il y’avait beaucoup de mélodie. Après le premier, puis le deuxième album, ca a changé ! En fait, à un certain moment, la tournure que prenais le Hip-hop, ne me plaisait plus. Je commençais à me rendre compte, que ce que j’aimais dans le hiphop avait tendance à disparaitre.

Avant chacun venait avec son propre flow, sa manière d’écrire, de penser. Maintenant çà n’existe plus. Aujourd’hui si un artiste comme Drake fait un flow, 50 personnes vont faire de même deux semaines après. Cette uniformité me dérange un peu…  Ensuite, les soirées hiphop ne me parlaient plus ; les lyrics n’étaient plus là. La musique avait changé. J’ai fait un break. Dans le  temps, je faisais beaucoup de soirée reggae. C’est de là que ma passion pour le reggae a surgie. Je reste quand même plus toaster, donc je m’inscris plus dans le style Dance Hall.  Au fur et à mesure, je me suis senti très  attiré par le reggae. J’ai eu l’occasion de jouer en live, avec des groupes. C’est difficile après de revenir aux DJ’s.

Il faut dire aussi que j’ai pris de l’âge et même spirituellement, le reggae me ressemblait plus. Je me suis dis à ce moment là qu’il serait intéressant de trouver un nouveau moyen d’expression. Au final je me suis dis, je suis un artiste, un musicien. Je ne dois pas m’enfermer dans un style ou un autre. A ce moment là, j’ai laissé les choses se faire naturellement. Je me suis laissé porter par mes envies.

 

 

Quand j’écoute un artiste comme Wyclef Jean, qui m’a beaucoup inspiré un moment.. Je me rends compte qu’il a toujours fait ce qu’il voulait… S’il doit chanter, il le fait, s’il préfère rapper, il le fait. Si, en faisant des morceaux que je ressens je  touche le grand public tant mieux.

Adja Mana, est un morceau qui colle parfaitement avec le contexte dans lequel on vit. Une société dans laquelle chacun veut être une Star. Ils sont tous en quête de succès. On vit dans une société très égocentrique. J’ai vécu ça pendant des années, aujourd’hui, je ne suis plus à la recherche de reconnaissance ou de succès. Je fais ce que j’ai à faire, la musique est mon métier en fait. Je la traîte tel quel. Le titre Adja Mana est sur un beat «  club », mais je pense avoir écris des paroles qui ont du sens. Par la suite, j’ai fait un cover d’Happy de Pharell Williams, puis un morceau reggae pour la Gambie. Je fais ce que je ressens. Pour l’album, c’est plus carré. Chaque fois que j’écris, je sais à qui est adressé le morceau… Chaque morceau selon son contenu va plaire à tel public ou à tel public. Mais en fin de compte, j’essaie juste de faire des titres qui me ressemblent. Je ne veux pas être contraint !!

Le journal rapé c’est deux rap. C’est 50 numéro où je rap. Voilà, Ca existe toujours, donc à ceux qui se posent la question, oui, je fais du RAP. J’ai compris depuis longtemps qu’il ne fallait pas suivre les choix ou le gout du public, il faut faire ce qu’on aime faire et laisser le public venir à nous… »

 

 

22 années de carrière 

Te souviens-tu de tes premiers enregistrements ?

« Au début, on avait pas les moyens d’aller dans un studio. On allait dans un  Music shop. Ca n’existe plus maintenant. C’était des petites boutiques où on trouvait des cassettes. Pour 1000 fcfa, le vendeur te créait une playlist et la copiait sur cassette. Quand on enregistrait, c’était du live, pas de multipistes, one shot ! On avait un micro pour trois. L’instrumental passait sur le lecteur, branché à une table de mixage, elle-même reliée à un micro. Les voix étaient enregistrées sur un lecteur B. Si tu te trompais, tu devais recommencer à Zéro. Je me souviens d’un enregistrement. Le vendeur fermait la grille de la boutique pour qu’on puisse enregistrer. Après sept titres enregistrés, on est sortis prendre l’air. Là devant nous, tout le quartier s’était installé et nous écoutait. La première séance professionnelle, c’était quand on enregistrait l’album de PBS en 1996. On enregistrait de 10h à 23h. On était studieux. C’était devenu vraiment sérieux. On posait au studio d’Aziz Dieng. C’était un grand producteur. Tout le monde passait dans son studio. Il a bossé avec tous le monde : Youssou Ndour, Thione Seck, Lamzo diamono. »

Qu’est ce qu’on retient après 22 années de carrière ?

« Il y’a eu des déceptions, notamment la séparation du groupe, après 15 ans de musique. Mais c’est un mal pour un bien. Au bout d’un moment un groupe, c’est comme un mariage. Marié trop tôt, trop jeunes… et puis on commence à grandir, on commence à se connaitre, à se comprendre, on commence à avoir d’autres ambitions…etc. Les choses vont trop vite, on a tendance à prendre la grosse tête. Un groupe c’est des relations amicales avant d’être une relation professionnelle. Quand il ne reste que le business. C’est dur ! On découvre des choses qui peuvent être blessantes. Dans la vie rien n’est défini d’avance. Tout se gagne. Une relation, c’est comme une plante qui pousse. Pour que ca marche, il ne faut pas se cacher les choses. Les voyages aussi nous ont fait grandir. Déception aujourd’hui, plaisir demain c’est ça la musique. En fin de compte, t’as des gens qui sont restés constants et en fait c’est eux les vrais… pendant 20 ans de carrière, on se découvre. Aujourd’hui je continue à faire la musique qui me plait. Ya encore des rencontres magiques… Des artistes qu’on admirait avec qui on a réussis à créer des liens.

Il faut dire aussi que tout ce temps, le Game a changé… Heureusement d’ailleurs. Aujourd’hui, il y’a beaucoup de maturités et parfois beaucoup d’amateurisme ou de mauvaise foi. Malgré tout les gens continuent de faire, ce qu’ils ont à faire.  Entre 2005 et 2010 y’a eu un stop. Plus d’évènements, rien d’excitant ! Puis les choses ont repris petit à petit. Une nouvelle génération qui revient en écriture, en créativité. Les artistes ont grandis, mais le public est resté jeune. Les femmes arrivées à 30 ans se marient et vont voir Waly Seck, les hommes eux, vont voir Pape et Cheikh. Je pense qu’en faite, il faut rester jeune dans sa tête, penser au public et rester vrai. Je n’aime pas la routine, c’est dangereux, ca tue la créativité !

 

 

Et le Journal Rappé ! ?

En 2012, le JTR est arrivé ! Au début de l’aventure, on ne savait pas trop où on allait. Le premier texte a été écrit en Aout 2012, juste après les inondations. On a enregistré en Septembre, en novembre, on a shooté la première vidéo et c’est seulement en Avril que la vidéo a été mise en ligne. Les gens étaient surpris. Avec Keyti, on s’est accroché, on s’est battu, tout en se disant, quoi qu’il advienne, il faut que chaque vendredi, il y’est un journal rappé.  Chaque semaine on écrivait un titre pour couvrir et décortiquer l’actualité. Fallait créer la musique, pauser les voix dessus, aller en studio, shooter et monter chaque semaine. Mass de Level Studio et No Face nous ont suivis et accompagner dans l’aventure. Le JTR a été une résurrection, un challenge pour moi!  Cette nouvelle aventure m’a redonné gout à l’écriture.

L’objectif était de faire un programme qui touche toutes les générations. Y’a plein de jeunes qui sont informés grâce au Rap, parce qu’il n’écoute que çà. Par rebellion il n’écoute pas l’actualité. Chaque semaine on leur donne le court de ce qui se passe dans le monde. Si Macky fait des conneries, on ne va pas se gêner pour s’exprimer là-dessus. C’était dur de trouver le bon ton. On explique des choses compliquées en restant simple. La partie Wolof est essentielle. Grace à la version Wolof, les gens suivent l’actualité. Keyti arrive à expliquer les choses en wolof avec les bons mots. On voulait permettre aux gens de comprendre les choses différemment. Plein de sponsors et Tv nous ont tourné le dos. Au bout d’un moment, on s’est dis : Si la Tv n’en veut pas, Internet en voudra ! On s’est bagarré et ca marche. Par contre, on ne s’attendait pas à un tél succès. ! (Rire)

Où te vois-tu d’ici dix ans ?

«  Entrain de faire des émissions musicales éducatives. Peut-être monter sur scène avec un band et jouer du reggae. Permettre à des jeunes d’avoir l’élan dont ils ont besoin pour rentrer dans la vie active. Ce n’est pas forcément monter une école de cinéma, mais mettre en place, plutôt des structures pour les jeunes dans l’art, le hiphop, la culture. Peut-être que dans dix ans, on aura des modules d’histoires rappés, des modules de géographies râpées. (Rire) »

Si tu étais un morceau de music ?

One Love ,  de Bob Marley. Parce que l’unité, un dieu unique. Parce qu’Amour, parce que c’est sentiment qu’il faut développer. Pour moi c’est clair… One Love. »

 

 

As-tu des paires ?

« La personne qui pour moi à réussis sa carrière c’est Bob, même s’il est mort jeune. C’est une personne qui a réussi à faire connaitre son pays et  le reggae au monde. Après y’a Fela, qui a fait de la music guerrière, combattante. J’aurais très bien pu citer MC Solaar parce qu’il a été le premier rappeur francophone à se faire connaitre dans le monde. Alpha Blondy malgré ces choix politiques douteux. Youssou Ndour, qui a réussi son business, en ne partant de rien et qui est finalement devenu ministre. Dr Dre, Awadi, qui ont tous deux commencé de zéro et ont réussis. Ils m’inspirent énormément. Il me donne envie d’arriver à un certain point.

Cinq titres à nous jam. ?

Shade , King of Sorrow,  après j’écoute du Reggae, selon les jours. Jhené Aiko. J’écoute énormément l’album d’Aly Farka Touré, In the Heart of Moon. Sting et Bob, Ride Natty ride.

As-tu un conseil à donner à la jeunesse africaine ?

«  Chercher le savoir, tant qu’on est jeune… Trouver une base dans le coran, les livres. Se fixer des objectifs. Comme j’ai l’habitude de dire, il faut savoir ce qu’on veut et apprendre de nos forces et faiblesses pour ensuite pouvoir trouver le chemin pour le faire. Je pense qu’il faut rester curieux, quitter son lieu de confort. Et aller à l’aventure… En se construisant, on apprend à se connaitre et donc avoir confiance en soi. »

Prochain featurings ? Ou quelqu’un avec qui tu as envie de partager un titre ?

«  Il faut qu’il est une certaine communion. J’ai envie de faire un morceau le Xalam, Souleyman Faye, Baba Maal. Sur le plan international, chanter avec Shade et Sting. Je reste très ouvert au final. Je suis exigeant mais pas compliqué.

 

 


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