Hot! Mickael Kra

Mickael Kra

Le Dimanche matin, j’interviewais Mickael Kra, l’un des invités d’honneur de cette troisième édition du Festival Voyage sur le Fleuve Sénégal. Autour d’un café, depuis le superbe patio de l’hôtel La Résidence, Mickael acceptait de répondre à mes questions avant notre départ pour Dakar. Notre conversation débutait sur Saint-Louis et sa lumière…

 

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« Hier, sur le haut du bateau, il y’avait une lumière extraordinaire. J’ai pris de très belles photos. Les filles étaient bien. J’ai apprécié travailler avec elles. Les plus beaux castings que je fais en Afrique, sont ceux que j’ai faits au Sénégal. Souvent, les filles savent marcher et elles ont des peaux magnifiques. C’était la première fois que je venais à Saint-Louis mais je viens au Sénégal depuis que j’ai 14-15 ans. Le Sénégal est mon deuxième pays. Je m’y sens très bien, je suis plus libre, plus à l’aise. Même si il y’a beaucoup de gens malhonnêtes ici, donc je fais très attention.

Quand Claire m’a parlé de ce projet, l’association du Cinéma et de la Mode, j’ai tout de suite pensé à des choses très lumineuses donc pour cette collection, j’ai utilisé des tubes de verres, or et argent mélangés à du Cuir et j’ai usé des techniques d’enfilages du Kenya et du Cameroun. »

Ou as-tu appris ces différentes techniques ?

NewYork

« Je suis autodidacte. A la base, je suis architecte d’intérieur. J’ai étudié à New York, ensuite j’ai eu différentes expériences professionnels dans le milieu, puis un contrat pour faire des stands dans le Salon du textile de New-York. Il y’avait un stand avec des tissus africains, c’était de mauvais gouts, donc j’ai fait des petits accessoires sans prétentions pour arranger le stand. Les bijoux ont eu plus de succès que les vêtements. Par la suite, j’ai été voir la Galerie Kruger sur Madison Avenue. Laura Kruger m’a guidé et conseillé. J’ai travaillé pendant trois mois pour étoffer cette collection. Après ces parties très vite. En un an, j’avais cinq showroom, New-York, Chigaco, Atlanta, Miami et Los Angeles. J’étais exposé dans les grands magasins … J’ai aussi été diffusé en duty free shop sur Air Afrique. Donc ça m’a très vite propulsé. Heureusement, ma famille et mon éducation africaine m’ont très vite ramené sur Terre… »

 

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Paris.

« Après une dizaine d’année, j’ai tout planté. Je n’étais pas heureux. Je ne faisais plus de création, c’était vraiment devenu de l’industrie, du marketing… A un moment je ne voulais plus mettre mon nom sur certaine pièce. Au décès de mon associé, Kevin Bord. J’ai décidé de tout arrêté. Katoucha qui était une amie d’enfance m’a conseillé de me venir à Paris. Elle était dans la haute couture et elle était persuadé que j’avais ma place dans ce milieu. On habitait ensemble à Paris. J’ai pris mon book, je suis allé Avenue Montaigne présenter mon travail. J’ai signé 26 collections chez Louis Feraud. Chez Balmain, j’ai fait des séries de bijoux pour leurs parfums. J’ai fait treize ans de Hautes Coutures à Paris, après New York. »

Comment tout cela était perçu à Badi ?

« A Abidjan, il faut tout le temps que tu sois validé par les occidentaux pour que les gens réagissent. A l’époque, dans les années 90, les femmes africaines ne portaient pas de bijoux africains. Dieu merci il y’a eu des locomotives qui ont pris mes bijoux, Mme Houphouët Boigny, Mme Abdou Diouf, Nina Simone, Miriam Makeba, Grace Jones. Grace à ces femmes, les gens ont validés et se battaient pour avoir mes bijoux. Les gens l’achetaient dans l’avion pour aller les vendre dans les autres villes. »

L’Afrique du Sud.

« J’ai toujours eu besoin de challenge, besoin de me frotter aux gens que j’admire. La Cote d’Ivoire ne m’a jamais aidé. Je voulais monter un plan de production avec une fonderie, des soudeurs etc. Mais bon, on a de l’argent pour financer les guerres mais pas les artistes. Si je suis présent en Afrique, c’est grâce à l’Afrique du Sud. Les Sud – africains ont vu mon travail et ils m’ont invité. J’ai visité toute la région du Kalahari, pour rencontrer les Bushmans, qui sont dans des réserves. Ce sont de très bons artisans. Ils font des bijoux à partir d’œuf d’autruche. Ça a été une révélation pour moi. Je découvrais un monde totalement différent. Ces gens font attention quand ils marchent sur le sable pour ne pas abimer la terre. Ils ont un tel respect de leur environnement, c’est impressionnant.

J’y ai formé une équipe de 23 femmes. Mon but est de faire un atelier permanant afin que ces femmes puissent devenir autosuffisantes, qu’elles puissent vivre de leurs artisanats. Je viens faire mes collections deux fois par an et à chaque fois, je prends des nouveaux participants. Les 23 participent à l’atelier ensuite elles repartent dans les villages et elles même forment des centaines de femmes. Je partage mon temps entre l’Afrique du sud et Paris. J’envisage un retour à Abidjan. J’ai envie de redonner à mon pays mais en même temps, j’ai encore l’impression d’être incompris… »

 

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Voyage sur le Fleuve Sénégal.

« Je connais Claire Kane depuis 25 ans. J’ai fait quelques évènements avec elle, comme Black is Beautiful aux Beaux-Arts à Paris. En ce qui concerne ce Festival, je lui tire mon chapeau… Je pense que c’est une visionnaire, une grande directrice artistique. Elle a une vision des choses. J’ai une confiance aveugle en elle. Je lui donne tous le respect que je lui dois. Je sais que ce n’a pas été facile, mais je sais que, ce que fait Claire Kane restera indélébile dans l’histoire de la mode. Elle est en avance sur son temps. Il serait temps de la reconnaitre comme une créatrice sénégalaise. C’est une Kane, elle vit au Sénégal depuis très longtemps. Elle ne devrait pas être considérait comme une étrangère. L’Afrique est un continent pluriel aujourd’hui. La mondialisation est là. Il faut se regarder en face et comprendre qu’on est tous ensemble dans le même bateau, pour le meilleur et pour le pire. C’est ma conviction la plus profonde… »

La Dernière collection.

« J’ai de tous temps voulu sortir une ligne. Au début, je voulais faire des Carrés de Soi peint à la main, avec des pigments naturels. Je crois beaucoup en une mode étique, sans polluant, sans produit chimique. Je voulais vendre ces carrés de soi avec un bijou dans un beau packaging. L’idée était que  tu puisses aller à la plage avec et l’utiliser comme paréo ou le nouer sur le bijou et en faire une petite robe ou un foulard de tête. Je voulais faire cette ligne avec Eric Résina, qui est au Cambodge actuellement, donc c’était un peu compliqué à coordonner. J’ai finalement trouvé quelqu’un qui faisait des peaux, du daim. J’ai fait de grands triangles, des écharpes frangées et perforées, que j’ai brodées de perles. J’en ai fait de très simple jusqu’à des modèles Hautes Coutures. C’est ce que j’ai présenté à Abidjan dernièrement. Ca a un peu déranger les gens. «  Ah, il fait du vêtement ! ».

 

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La production.

« J’ai des fournisseurs différents. Je fais des petites productions de pièces uniques ou des séries limités. Parce que sinon, je m’ennuie facilement et quand je m’ennuie je deviens dangereux. Je n’aime pas la routine… Dans mes voyages j’achète des choses que je peux utiliser sur un moyen terme. Je n’utilise pas forcément des matériaux qui viennent d’Afrique mais je les revisite. Les perles de Verre qui ont été présenté à Saint-Louis, sont des perles autrichiennes. Ils sont très forts pour faire des cristaux, ils ont une belle brillance. Avec ces perles j’ai fait des formes comme les colliers Massaï. En Afrique, je fais faire des perles au Mali en terres cuites très fines. Au Cameroun, ils travaillent le bois mais c’est beaucoup plus grossier. Je travaille avec l’Inde aussi maintenant. Je fais faire des perles «Baoulé » de couleurs. En inde, ils me produisent un milliers de perles de différentes couleurs en une semaine… »

Y-a-t-il de jeunes créateurs, une forme de relève?

« Pour parler de la Cote d’Ivoire, c’était un pays leadeur au niveau mode. Je trouve que le pays a pris beaucoup de retard et qu’il n’y a pas d’innovation. Ce sont les mêmes collections, les mêmes choses autour du pagne. Après je vois Eli Kouam, dont j’aime beaucoup le travail. C’est classe et pas folklorique. Les anglophones aussi sont très pointus, avant-gardiste. Il y’a aussi une jeune Tanzanienne, qui fait des choses très belles choses, Eric Résina qui travaille la soie à Madagascar. Sur le Sénégal, j’aime ce que Sigil fait pour homme. »

Aurais-tu un conseil pour les jeunes créateurs ?

« Je pense que la Mode fait rêver beaucoup de gens. Ce n’est pas un métier facile. Il faut être passionné et donner beaucoup de soi avant d’avoir un retour. Ça peut prendre beaucoup de temps et beaucoup d’énergie. Je pense que ça passe par l’éducation et la formation. Il manque encore beaucoup d’écoles en Afrique. C’est pour ça que je fais des ateliers. L’art, la mode, la musique, la danse ne sont pas des choses que les gens considèrent, c’est vraiment abstrait pour les gens. « Il enfile des perles, c’est too much pour eux… ». »

 

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