Jacques de Kalakuta
Jacques de Kalakuta
J’ai rencontré Jacques il y’a quelques semaines de çà, au cœur de la Gueule Tapée, un quartier populaire de Dakar. Jacques était accompagné de son ami Tony, pour ce voyage au Sénégal. il y’a plus de dix années de çà, à Toulouse, les deux acolytes avaient créé une association nommé Kalakuta. Depuis avec Kalakuta, ils organisaient chaque année des concerts avec des artistes africains issus du mouvement afrobeat… Jacques est aussi à l’initiative d’une marque de vêtements et d’accessoires nommé United-Souls. Autour d’un café, nous échangons sur ce projet et ces ambitions…
« Je suis né en 1975 en Cote d’Ivoire. En 1984, je suis arrivé à Caen. J’y ai vécu jusqu’à mes 20 ans. Après je suis repartie en Côte d’Ivoire. J’ai renoué avec ma famille. Mon père m’a initié à la politique africaine, le rapport France – Afrique etc. Quand je suis revenu en France, j’ai voulu partager tout ça avec mes amis, mais en France, on parle peu des réalités africaines, et aucun d’eux n’étaient véritablement informés sur cette histoire commune . Donc l’envie est née à ce moment-là. J’avais aussi une amie qui était en Faculté de Lettres, un jour, elle m’a parlé de la négritude, des idées et des faits dont je n’avais jamais entendu parler. Ce qui est incroyable compte tenu de mon origine ! Lorsqu’en 2011, je suis retourné en Côte d’Ivoire pour me recueillir sur la tombe de mon père, la situation post-électorale du pays ma fait prendre du recul vis à vis de la politique africaine de la France. J’ai ouvert les yeux sur beaucoup de choses… Ça a éveillé mon engagement. »
UnitedSouls
« Avant tout je souhaite faire passer un message fédérateur sur le devoir de mémoire envers les intellectuels qui se sont illustrés dans la défense des droits civiques en Afrique et dans le reste du monde.
United souls , c’est aussi un hommage à la musique et au rôle majeur qu’elle a joué dans les luttes pour l’émancipation des peuples opprimés. Le blues, le jazz, la soul, l’afrobeat, la cumbia, le hip-hop et ce qu’on qualifie de “groove mondial”, sont incontestablement entrés dans la culture contemporaine, apportant leur contribution au patrimoine mondial. Dans un aspect plus pragmatique, la nouvelle marque envoie un message fort aux mélomanes et aux adeptes de ces courants musicaux : adhérer à United Souls, c’est s’engager ou s’investir dans des initiatives culturelles et artistiques ayant en commun cet univers et ces racines.C’est un défi que je me donne, à savoir mettre en avant l’Art politique, dans sa diversité et sa richesse, en collaborant avec de talentueux artistes qui véhiculent un message. De nos jour, un visage, au même titre qu’une phrase, identifie objectivement une lutte, un combat ou un idéal. »
» En fait, le projet de united souls me tentais depuis longtemps, au cours d’une discussion, sur les conseils d’une amie (Julie Querol que je salue), j’ai rencontré Marie-Claire Laffaire, une portraitiste talentueuse à qui j’ai proposé plusieurs noms de penseurs africains comme par exemple Thomas Sankara, Amilcar Cabral, Lumumba, Cheikh Anta Diop ; Ne connaissant pas ou très peu ces personnages et n’ayant de ma part, qu’une brève description de leur parcours, elle à fait en quelques sorte un “choix à l’aveugle” ou plutôt un choix du coeur:) . L’image de Lumumba, très forte, la dernière de son vivant, (il est sur la jeep, les mains attachées) et notamment son regard fort de sens, à su toucher son inspiration et s’est imposée à elle comme le point de départ créatif d’une série de collaboration…
A partir de ce dessin, nous avons fait des teeshirts BIO, des tote-bags, des sweet-shirts BIO. Je voulais associer une certaine dimension éthique. Ensuite, j’ai élargie ma collaboration à d’autres artistes dont l’univers me plaisait. Sont alors nés, des dessins revisités de Thomas Sankara, Amilcar Cabral, Nkwame Nkrumah, Commandant Massoud, Rosa Parks, Aimé Césaire et Cheikh Anta Diop.
Je suis webmaster de formation, donc j’ai fait le site moi-même. Je vends les produits de la marque en ligne, et j’aime bien ce processus. J’arrive à vendre un peu partout. Je le fais à mon rythme, selon mes moyens. J’ai l’ambition de faire connaitre la marque et à terme pouvoir créer une fondation de façon indépendante, qui pourra mener des actions humanitaires en Afrique. J’aimerais interconnecter les enfants qui parlent la même langue (Du nord au sud ou dans le rapport sud-sud). »
Le site : Unitedsouls.fr
« United Souls a un lien très fort avec la musique. Car celle-ci a permis aux peuples opprimés de se recréer et de dépasser leurs conditions. De même avec United souls nous essayons de faire revivre une pensée et de transmettre un message important légués par des hommes qui voulaient briser les barrières. J’avais envie de faire quelque chose de beau, agréable à porter, de fort et de le faire voyager par le biais des artistes comme un lien indéfectible entre la pensée et la musique. »
Kalakuta
» L’association existe depuis douze ans. C’est l’initiative de deux gars de Toulouse, qui avaient l’habitude d’aller dans un bar, qui passait tous le temps, Kalakuta Show, le morceau de Fela Kuti. Ces deux bordelais adoraient ce morceau. Ils se sont rendu compte qu’à Toulouse, il n’y avait pas de « Musique du Monde », il n’y avait pas de concerts ni de soirée avec ce type de musique. Ils ont donc décidé de créer une association dont le but était de diffuser du « Global Groove » dans la ville rose.
Tony les a rejoints, il est devenu naturellement le Président de l’association. Quand je suis venu à Toulouse, j’ai aussi rejoint l’association. Dans ce cadre, je m’occupais de la communication. Kalakuta voulait faire des soirées avec concert et deejaying à partir d’un style de musique qu’on aime bien. Une musique qui navigue entre les deux rives de l’atlantique Noir, ça peut être du « I Life », du « Cumbia », comme de « l’Afrobeat ». Ce concept a bien marché. Par la suite, Kalakuta a diversifié ces activités en créant une radio, en faisant des Ciné-Mix. On a fait venir pas mal de tête d’affiches, éthiopienne, nigériane, notamment Mulatu Astatke, reconnu comme étant le père de l’ethio-jazz. . »
Le site : http://kalakutaprod.org/
La Radio : http://kalakutaprod.org/index.php/kalakuta-show
Des gens qui t’inspirent.
« Tous les intellectuels indépendantistes en sont pour moi ; Lumumba, Cabral, Cheikh Anta Diop. Ce sont des références philosophiques.humaines, sociales. Ce sont des piliers sur lesquels s’appuyer au quotidien »
Dans 10 ans
« Dans dix ans, j’aurais un demi –siècle, putain ! Je me vois entre la France et l’Afrique. J’aimerais pouvoir organiser un gros festival de jazz ou d’afrobeat en Afrique. J’aimerais exporter le festival, Afro Tropical Party en Afrique. Comme Kalakuta est indépendant, j’espère pouvoir devenir un partenaire assez efficient pour pouvoir réaliser un tel projet. »
Un conseil.
« La Détermination. Quand vous avez une idée, il faut y aller. Quand t’es déterminé, tu finis toujours par y arriver. Plus vous aller y croire, plus vous allez naturellement rencontrer les bonnes personnes et arriver au bout de vos projets. »
Comme on dit chez moi en Côte d’Ivoire “c’est l’homme qui a peur sinon ya fohi” (ndlr : y a rien)
Une musique qui te ressemble.
« J’adore danser. J’aime le côté envoûtant et transcendantal de la musique. Je m’orienterais vers du Fela, naturellement, plus particulièrement le titre Beast of no nation. »
Mot de la fin.
« Merci. C’est la première fois que je viens à Dakar. Je kiffe grave. J’aime bien l’atmosphère, le bouillonnement artistique, et la maturité culturelle de ce pays. Ravis de vous avoir tous rencontré. »
