Hot! Bibi Seck

Bibi Seck . 

J’ai rencontré Bibi Seck, à la Boite à Idée, il y’a quelques semaines de çà courant Février. Accompagné de son ami Karim Sy, avec qui j’avais rendez-vous ce jour-là ; le designer sénégalais avait alors découvert le temps d’un café, notre espace et l’univers Wakh’Art. Aujourd’hui c’est à Bourguiba que je le retrouve. Depuis le patio de sa maison, Bibi Seck se prête au jeu de l’interview et accepte de répondre à quelques-unes de mes questions.

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Qui es-tu ?

«  Je m’appelle Bibi Seck et je suis designer. Je suis un garçon qui n’a jamais cessé de dessiner et qui était déterminé à en faire son gagne-pain. Je pensais être architecte.

Et c’est vraiment par hasard que j’ai découvert l’École Supérieure de Design Industriel et de Graphisme, dans le Marais à Paris. J’ai été séduit par l’idée de créer des objets qui pouvaient être aussi bien des montres ou des bateaux, que des sacs ou des voitures. Je ne connaissais pas du tout le Design, c’était complètement nouveau pour moi. Je ne savais même pas qu’il y’avait un gars qui s’appelait Philipe Stark, qui à l’époque était déjà connu. Mon père n’était pas très chaud au départ. Il ne voulait pas un rasta man dans la famille. (Rire) Mais finalement j’ai eu son aval.

J’aime dessiner. C’est ce qui me plait le plus dans le design. Je pourrais dessiner autre chose que des objets. Par exemple me lancer dans la Bande Dessinée que j’aime beaucoup. J’en collectionne d’ailleurs.

Ce que j’aime bien dans la BD, et que je  retrouve aussi dans le Design, c’est que tu peux illustrer ces histoires qui naissent dans ta tête. Comme je suis un grand rêveur, j’ai toujours aimé raconter des histoires et j’utilise le dessin pour les raconter. Par la suite, j’ai appris que le Design apporte aussi des solutions à différents types de problématiques. »

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Birsel + Seck.

« Quand je suis sorti de l’école, j‘ai été embauché par le constructeur automobile Renault. Je dessinais des voitures. J’étais vraiment habile en dessin et dans le domaine automobile, ce qui dans le domaine automobile était très recherché.  J’ai dessiné des voitures pendant une dizaine d’années. C’est en mission à New-York que j’y ai rencontré ma femme, qui est également aujourd’hui mon business partenaire.

Elle était designer et elle avait son agence. Lorsque nous avons eu notre première fille, il a fallu prendre une décision. Soit je démissionnais de chez Renault, soit elle quittait New-York pour s’installer à Paris. J’ai donc quitté Renault et on s’est réinstallé à New-York. On a fusionné et monté notre Agence Birsel + Seck.

C’est à ce moment que, je deviens un global designer indépendant qui créé pour ses clients des objets divers et variés. Notre démarche est axée sur l’utilisateur que nous analysons et que nous décortiquons. Si tu dois concevoir une chaise de bureau, tu réfléchis à comment l’utilisateur va interagir avec cette chaise, quels vont être ces mouvements,  combien de temps il va rester sur cette chaise…Notre principale objectif est de trouver des solutions innovantes pour l’utilisateur. Ce que j’appelle de la créativité intelligente.

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Le design est une profession à part entière.

En Afrique aussi, j’ai des clients qui cherchent des solutions innovantes. Les clients sont différents mais le principe reste le même. La différence se situe plutôt au niveau de la production. Le fabriquant aux Etats-Unis va être une grosse industrie, tandis qu’au Sénégal, cela va être un artisan. Après tu crées des produits différents. Mais j’avoue que la pratique du design en Afrique est  plus sympathique. Ce que j’aime ici, c’est le rapport émotionnel qui se crée entre l’artisan partenaire et moi. Ici tu dessines une chaise, elle est devant toi, trois jours après. Alors qu’aux Etats-Unis, il peut s’écouler quatre ans entre le moment où tu imagines un concept et le moment où il est produit. Ce que j’aime aussi au Sénégal, c’est que la trace de l’intervention humaine persiste encore sur les produits. La main sur le travail du métal. Les traits grossiers de couture sur les housses des coussins. Etc. »

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Le Design au Sénégal.

« Depuis 2006, je fais régulièrement des allers-retours entre New-York et Dakar. Au Sénégal, je travaille avec des gens, avec lesquels je m’entends bien. Souvent ces relations perdurent. Les artisans avec lesquels je travaille sont devenus des amis. On n’attend pas forcément de travailler sur un sujet précis pour se voir.

Depuis le début, je veux participer à l’intégration du Design dans la mentalité africaine. Dans tous les secteurs, on a besoin d’un designer. Le niveau d’intégration du design est devenu un indice de développement.

Au Sénégal on est encore un peu loin. Le Design ici est considéré comme un art destiné à une élite. Il est souvent associé à un produit de luxe. Je préfère travailler sur la vulgarisation du design, le rendre banal et l’intégrer complètement dans le paysage. C’est dans cet esprit que j’ai créé un Laboratoire de Design que j’ai appelé Design Next, aussi dans le domaine du packaging des produits agroalimentaires locaux que dans le mobilier.

Certains paniquent et me disent que le designer consultant est cher. Alors qu’en réalité il n’est pas plus cher qu’un avocat ou un ingénieur agronome consultant.

Aujourd’hui je dessine des objets pour qu’ils soient honnêtes et abordables, que mes amis artisans vont fabriquer et vendre. Un copain m’a dit en rigolant : « Tu fais du design équitable ! » Je crée des chaises qui coupent 30000 fcfa ou des lampes qui vont coûter 15.000fcfa. Il faut que nos compatriotes puissent acheter du mobilier, ou des produits 100% Made in Senegal sans se ruiner.

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Ses Pères

« Je suis comme une éponge. J’absorbe ceux qui m’impressionnent. D’abord dans la bande-dessinée les auteurs comme Hugo Pratt, Mœbius, Enki Bilal, Bill Sienkiewicz ou même récemment Mike Mignolia. Dans l’architecture je pense aux japonais Tadao Andō et Shigeru Ban. Je suis fasciné en musique par le pianiste Glenn Gould et dans la littérature par des  écrivains comme Patrick Besson, Nietzsche, Fernando Pessoa et Georges Simenon. Il y en a forcément que j’oublie mais ceux cités et les autres font partie de moi, j’avance avec eux. Dans la musique, il y’a aussi Prince, Michael Jackson. J’aime aussi beaucoup l’art nouveau autrichien: le Jugend Style.  Dans beaucoup de domaines artistiques, j’ai des maîtres. Mais comme la majorité je reconnais que le maître de tous les maitres c’est quand même Picasso. Il a dégouté tous les autres qui sont arrivé après lui. Il était vraiment fort ! J’oubliais le sculpteur  Anish Kapoor. Donc tu vois, c’est très éclectique. »

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L’éducation

J’ai enseigné pendant dix ans en France et deux ans aux Etats-Unis. Malheureusement au Sénégal, il n’y a pas encore d’écoles de design, ce qui n’encourage pas l’intégration du design dans la pensée. Il faut former des designers. Ça fait longtemps que j’y pense forcément. Créer une école de design ne se fait pas au hasard. Il faut être sûr de ne pas former des designers qui ne pourront pas gagner leur vie. Le projet mûrit et avec mes partenaires nous lancerons en 2017 la SoDA (School of Design in Africa) basée à Dakar. En attendant, tout en m’imprégnant des potentiels dont l’Afrique regorge, j’essaye de partager mon savoir et mon expérience avec certains artisans avec lesquels je travaille depuis longtemps.

Le conseil de Bibi Seck.

«Restons humbles »

Retrouver BibiSeck on Facebook.

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