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La Galerie Antenna

posted 18 avril 2016 / No Comments

La Galerie Antenna

Un après-midi d’avril je me suis rendue à la Galerie Antenna, située au centre-ville de Dakar. Je n’avais jamais eu l’occasion de visiter cet espace dédié aux Arts Fondamentaux et à l’Art Africain Contemporain. A mon arrivée, j’étais reçu par la gestionnaire de la Galerie, la charmante Océane Harati. Elle me fit visiter chacune des pièces de la galerie et me présenta les différentes collections d’objets d’art amassés et étiquetés depuis 1972. Je ne savais plus où donner de la tête tellement les collections étaient nombreuses et variées. La Galerie possède, en effet, plus de 5000 tableaux, fixés-sous-verre, masques, statuettes et bijoux précieux en provenance de toute l’Afrique subsaharienne. Après ce voyage passionnant dans le temps et dans l’histoire du continent, je pris quelques minutes pour interroger Monsieur Chatignol, gendre de feu Marthe et Claude EVERLE fondateurs de la Galerie, qui accepta très gentiment de répondre à quelques-unes de mes questions.

Jean Luc Chatignol.

« Je suis né au Sénégal, j’ai fait mes études secondaires au lycée Lamine Gueye, ex Van-Vo. Ensuite je suis rentré en France faire mes études supérieures. Je suis devenu architecte et chaque été je revenais travailler au Sénégal. J’ai travaillé durant quatre ans au ministère de l’urbanisme du Sénégal puis je suis parti en France. J’ai eu la chance de parcourir le monde à travers un métier passionnant pour le compte d’une grosse société spécialisée dans la distribution.

Ma belle-mère , Marthe EVERLE est décédée il y’a douze ans et nous avons perdu mon beau-père, Claude EVERLE, il y’a quelque mois. Suite à son décès, avec mon épouse CAROLINE CHATIGNOL, née EVERLE, nous avons choisi de revenir nous installer à Dakar. Nous voulions poursuivre l’œuvre de mes beaux-parents, La Galerie Antenna créée en 1972. »

La plus ancienne et la plus grande Galerie d’Afrique de l’Ouest.

« Mr Everlé s’est installé au Sénégal dans les années 1950, il représentait alors une société américaine dans toute l’Afrique. Il a donc eu la chance de voyager du Sénégal à l’Afrique du Sud. Il était en déplacement six mois sur douze. Durant ces voyages, à titre personnel, il achetait des objets d’arts qu’il commençait à collectionner. Mme EVERLE, quant à elle, était professeur d’anglais au lycée Van-Vo. A un moment donné, ils se sont demandés : « que va-t-on faire de toutes ces pièces ? » Ils ont décidé de monter une galerie. Au fur à mesure les collections se sont agrandies, la galerie s’est développée, au regard des besoins d’exposer un maximum d’objets, tant dans les arts fondamentaux, que dans l’art contemporain.

Très vite, la galerie a eu de la notoriété. Mes beaux-parents ont inventé le principe d’étiquette. A chaque objet son étiquette. Il était essentiel de connaitre la provenance des objets, leur histoire et à quelle pratique ils étaient rattachés. Cela explique la présence de la grande bibliothèque, que vous avez vue dans l’une des pièces tout à l’heure. Ma belle-mère devait renseigner chaque objet. Ensuite, ils ont décidé de présenter les objets sur des socles. Ils ont été les précurseurs de la mise en avant de ce type de présentation. C’est un modèle qui aujourd’hui existe partout dans le monde. La Galerie a reçu tous au long de son existence de grands amateurs d’art, des personnalités, des politiques, des directeurs de musées etc…

Nous avons actuellement entre 4500 et 5000 pièces. Certaines sont exposées sur les 400 m2 que compte l’espace de la Galerie Antenna, d’autres sont rangées dans nos espaces de stockage. Les œuvres sont envoûtantes. Elles ont une histoire forte. L’une de nos dernières acquisitions est une statue baoulé. Traditionnellement, dans un couple, l’homme possède une statue féminine et la femme une statue masculine. Les gens livraient leurs secrets ou leurs bêtises à la statue. Ensuite ils étaient pardonnés. C’est incroyable, non ? D’où la douceur qu’exprime la statue. Elle réconfortait celui qui se livrait…

Tous ces symboles qui entourent les masques et les statues créent une atmosphère particulière dans la Galerie. Nous avons des pièces très douces, pour les sacrifices, les rituels, d’autres plus dures, des masques de guerres etc. Ce sont des objets rituels, qui ont une âme, il y’a quelque chose qui se dégage d’eux. »

Les visiteurs de la Galerie Antenna.

«Nous avons différents types de visiteurs. Il y’a ceux qui vont aller vers l’art contemporain et acheter des toiles, des fixés-sous-verre ou ils vont aller vers des objets simples, des bronzes, des pièces plus accessibles. Après il y a aussi une élite sénégalaise, généralement jeune, qui va aller chercher des pièces plus recherchées, des objets plus complexes. Il y’a aussi des jeunes curieux. Par exemple, une jeune femme est venue lire un après-midi, de la semaine dernière. Ça nous a touché de voir cette jeune femme s’intéresser et se découvrir à travers cette culture africaine et tout ce qu’elle a pu produire. Ça l’a touché. Nous avons aussi reçu un homme d’affaires togolais qui s’avère être un Roi. On a beaucoup discuté et il nous a appris beaucoup de choses sur des objets rattachés à sa culture. Il faut oser sauter le pas… Il y’a aussi des gens qui viennent juste pour visiter. Des écoliers viennent aussi découvrir l’espace. Il faut maintenir ces événements qui structurent les êtres. Apprendre du passé pour apprendre à se connaitre et préparer l’avenir. »

La Biennale Dak’Art2016, le programme de la Galerie Antenna.

« Nous avons prévu un Vernissage le 29 Avril, uniquement sur invitation et confirmation de l’invitation. L’exposition sera ouverte au public du 30 avril jusqu’au 21 mai. Nous allons présenter deux artistes : PAPI (un jeune artiste Sénégalo-Malien) et Maud VILLARET créatrice de la marque Toubab Paris . MAUD est une femme qui connait très bien l’Afrique et qui est spécialisée dans les bijoux. Tous deux présenteront une série d’œuvres autour de la thématique de la biennale de cette année. La Galerie a choisi de nommer son exposition :« Or du Temps ». Les artistes ont été libres dans leurs expressions, nous leur avons donné carte blanche. PAPI présentera des grands formats et durant la soirée de vernissage, un live painting. Il ose et on assume. Maud quant à elle, dévoilera des œuvres de sa nouvelle collection, une série de bijoux créés spécialement pour la biennale. Durant le vernissage, elle proposera aussi du live et composera des bijoux devant nos invités. Ces deux artistes présenteront des œuvres importantes mais ils vendront aussi des œuvres à la portée de tous . Nous voulons démocratiser l’art et le rendre plus accessible. »

Un conseil aux jeunes collectionneurs.

« Je pense qu’il faut aimer, être curieux, sans a priori ni préjugé, une fois qu’on a passé ces étapes, le plaisir prend le relais. Il faut aussi avoir des bases sur l’art sans rentrer dans les querelles d’écoles, et commencer à acquérir par plaisir et oser. J’ai d’ailleurs découvert un artiste sur l’ile de Ngor. Je trouve qu’il fait des choses extraordinaires. Il sculpte dans le bois de filao. J’ai envie d’aller l’écouter et de discuter avec lui autour de ce qu’il fait. Partout il y’a des choses belles, dans la rue, dans des lieux atypiques… »