Hot! Fred Hirschy – Karantaba Records

Fred Hirschy – Karantaba Records

 

J’ai rencontré Fred, il y a quelques semaines, durant le Festival Africa Fête. J’avais été invitée pour participer à une conférence sur les femmes dans l’industrie de la musique. Intéressé par le sujet, Fred était venu à la Maison de la Culture Douta Seck pour assister au débat. Suite à cela, nous avions échangé nos contacts. Fred est un musicien multi-instrumentiste et le directeur du label Karantaba Records. Fred est également à l’initiative d’un projet d’école de musique. Très enthousiaste je lui proposais alors, de me retrouver à la Boite à Idée pour en discuter plus amplement…

 

Fred

« J’ai grandi avec la musique Afro-Américaine. Je suis un musicien amoureux de ce type de musique. J’ai évolué ensuite vers une direction de réalisateur artistique et producteur arrangeur. C’est ce qui me définit le mieux aujourd’hui. J’ai commencé par jouer de la guitare, puis j’ai appris à jouer de la batterie, du clavier, basse. Je me suis focalisé sur la basse, cet instrument puissant mais quelque part très discret. Mon rôle dans la musique, consiste à sortir le meilleur des artistes avec lesquels je travaille. C’est leurs noms qu’on va voir sur la pochette de l’album et c’est eux les stars. Moi je suis plus un travailleur de l’ombre et ça me convient tout à fait comme rôle… »

 

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Tu n’as jamais eu envie de faire ton propre projet ?

« Développer mon propre album oui, mais ce serait surtout pour avoir une liberté totale dans la création musicale. Très souvent, je choisis les directions vers lesquelles je veux aller, mais je vais toujours respecter l’artiste et sortir ce qu’il y a de mieux chez lui. Donc souvent je me censure et fait taire certaines créations. J’ai envie  de développer des choses avec des artistes qui proposent quelques chose de nouveau et me demande un travail de création. Celui qui voudra comprendre la démarche, est le bienvenu dans cet univers. »

Le public n’est-il pas à la ramasse parfois ?

« C’est à lui de faire un effort pour comprendre ce qu’est la musique. Je pense que les auditeurs ont une responsabilité et un travail à faire aussi, la musique ce n’est pas que de la consommation. J’ai des albums que j’ai mis des années à comprendre… Les auditeurs ont une responsabilité et un travail à faire aussi. Aujourd’hui, on travaille dans une époque où la musique est devenue un déodorant ! C’est très difficile pour les musiciens. Si tu ne réponds pas à un certain format, tu es foutu. Il y a certes grâce à la digitalisation de la musique, plus de gens qui écoutent mais la musique a perdu en profondeur. C’est devenu un produit.

Quand j’étais enfant je passais des heures sur des albums de musique Afro-Américaine. Je suis pour avoir moins de public, mais un public qui va prendre le temps d’écouter en profondeur. » Oscar Wilde disait: « à partir du moment où tu essayes de plaire à quelqu’un, tu cesses d’être un artiste ». Pour lui, l’artiste a quelque chose à produire et à exprimer, qui est tellement propre à lui. Il cherche au fond de lui-même, ce qu’il peut donner ou apporter.

 

 

Est –ce qu’il y a des noms de la musique Afro-Américaine, qui t’ont influencé ?

«  J’ai commencé par écouter Prince, à 11-12 ans. C’était un artiste très complet, il jouait quasiment 20 instruments différents. C’était un compositeur, un arrangeur. Il était aussi très large, musicalement. Il avait son côté Pop, mais typiquement quand il partait en tournée, il faisait trois heures d’après concert, où il proposait un tout autre répertoire, jazz, blues etc. Si je devais choisir deux noms, ce serait Erykah Badu et D-Angelo, pour le coté new soul et l’influence hiphop. Après, ce serait, un jazzman américain, Thelonious Monk. Il proposait autre chose. Il était moins connu mais respecté par les plus grands, que ce soit Miles Davis ou Coltrane. Dans son jeu de jazz, je retrouve du hiphop. Si je devais choisir 4 artistes, ce seraient eux. »

Ca fait plus de dix ans, tu fais des aller retours au Sénégal, pourquoi avoir choisi ce pays ?

« Très jeune, je me disais, que je devais voyager. Je viens de Genève, c’est une ville très cosmopolite. J’ai grandi et vécu avec des étrangers. Déjà petit, les différences culturelles me fascinaient. Je me disais qu’un jour quand je serais plus grand je vivrais à l’étranger. A l’âge de vingt ans, je suis parti aux USA quelques temps après je suis allé vivre en Thaïlande presque un an. Quand je suis rentré en Suisse, je me suis dit, il faut que je reparte… L’un de mes cousins revenait du Sénégal et il avait beaucoup apprécié son voyage. J’étais déjà venu en Afrique petit, donc je me suis dit que je commencerais par là.

J’ai débarqué en 2003, je ne connaissais personne. L’un de mes amis m’a présenté Bouba Diop, qui m’a proposé de m’installer chez sa famille à Dakar. Je suis resté cinq mois dans cette famille sénégalaise, qui m’a adopté dès le premier jour. J’ai adoré vivre avec ces gens, comprendre la culture. Par la suite, j’ai rencontré Didier Awadi, je me suis mis à travailler avec lui, les sept années qui ont suivis. Grace à lui, j’ai pu rencontrer tout le monde. A côté du Hiphop, il y’avait le milieu Jazz, je travaillais avec des personnalités comme Vieux Mac Faye, Oumar Sow, avec des groupes comme Nakodje.

En 2006, je suis rentré à Genève. Mais il était clair que j’allais revenir vivre au Sénégal. Je suis aussi marié à une magnifique Sénégalaise depuis plus de dix ans. On a un enfant et on fait des allers retours chaque année. Il y a deux ans, j’ai décidé de revenir m’installer ici. »

 

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Quelles différences depuis dix ans ?

« Il y a dix ans, j’étais un petit musicien qui travaillait et gagnait 10.000 fcfa après un concert. Avec le transport et le chawarma, il me restait 5000 fcfa. Aujourd’hui, je viens comme Réalisateur Artistique. J’ai travaillé sur différents albums avec notamment Fredy Massamba, Nix, Carlou D, Thaïs Diarra, Noumoucounda, Tumi and the volume (un groupe sud-africain). On a reçu des prix pour certains de ces projets ! J’arrive avec un bagage, ma casquette d’entrepreneur avec le label Karantaba Records et l’Ecole de Musique. Donc je vois les choses d’une autre manière. Je garde la même affection et le même amour pour le pays. C’est un endroit où j’aime vivre et je me sens bien. »

Karantaba Records

« Le projet de label, il est venu parce qu’on avait besoin de se structurer. J’ai travaillé sur des projets où je devais être arrangeur, musicien, technicien, manager, vidéaste. A un moment je me suis dit autant créer un label de production. On connait les différents besoins et aspects de ce type d’industrie. Avec Noumoucunda, qui a lui aussi vingt ans de carrières Hiphop (avec le groupe PBS) on porte ce projet. Il est encore en construction…

On aimerait améliorer chacun des éléments de la chaine et proposer une nouvelle approche de la musique. On vise quelque chose d’artistique. Les voitures, les filles, les piscines ce n’est pas ce qui m’intéresse.

J’aimerais aller dans une direction musicale qui représenterait l’Afrique Urbaine et présenter quelque chose de nouveau et original. Il y a énormément de talents mais on se rend compte que les musiciens répètent les mêmes styles. L’objectif est de mélanger les musiques dites « modernes» avec les musiques dites « traditionnelles ». On aimerait commencer avec peu d’artistes. »

 

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L’Ecole de Musique

« Il y’a beaucoup de demande, les artistes réclament des formations. J’ai aussi vu des musiciens incroyables qui avaient certaines lacunes. Je me suis rendu compte à cause de ça, il n’arrivait pas à collaborer avec d’autres artistes sur l’international. Si tu veux faire venir des musiciens américains, tu vas difficilement trouver des musiciens sénégalais qui vont pouvoir apprendre et respecter leurs morceaux, comme un américain pourrait le faire.

On a besoin de jeunes arrangeurs, de producteurs qui soient capable d’enregistrer un album de A à Z, de la composition au mastering. On a besoin d’artistes qui soient capables de comprendre et dialoguer avec les arrangeurs, pour arriver ensemble à produire cette vision qu’a l’artiste.  Avec cette formation, tu accèdes à des basiques qui t’offrent une certaine autonomie.

Le musicien africain de demain, devrait pouvoir jouer de la Kora ou du Balafon, et avoir en plus un bagage qui lui permet de jouer et de développer sa musique. Au niveau technique, j’espère qu’il y’aura un développement dans ce sens. J’espère qu’il y’aura de plus en plus de gens formés, qui eux-mêmes formeront d’autres. Ainsi on aura une nouvelle génération d’artiste qui pourra développer sa créativité, construire son art et vivre de cela. Il y’aura un impact sur l’industrie de la musique. Il y aura une évolution positive.

L’école s’adresse aux musiciens dits professionnels mais elle reste ouverte à tous ceux qui veulent faire de la musique par plaisir. Ca développera plus de mélomanes et donc plus de public pour une musique plus ouverte au monde. »

 

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Le programme de l’Ecole :

1re année : apprentissage des bases harmoniques, de la lecture et de l’écriture musicale. Pratique instrumentale (instruments modernes et traditionnels), eartraining, analyse et découverte musicale, M.A.O (musique assistée par ordinateur).

2e année : application des notions acquises en première année aux musiques africaines (retranscription, analyse, recherche)

3e année : expérimentation, innovation et fusion des musiques africaines et occidentales.

 

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Le conseil de Fred :

« Le travail serait le meilleur conseil. Ils ne se rendent pas compte qu’un Habib Faye, c’est 12 heures de travail par jour. Moi-même j’ai fait ça. Quand les américains préparent le show de Beyoncé, c’est du travail. Il y a beaucoup de choses accessibles aujourd’hui, les tutaux sur Youtube, des blogs. Après ce second conseil c’est être passionné et surtout de ne pas se tromper de combat. Savoir où tu vas, et qu’est-ce que tu vises ? Se poser les bonnes questions? Pourquoi est-ce que je fais ça ? Essayer de répondre à cette question, c’est la première étape. »

Retrouver Fred: Facebook
Retrouver le label Karanta Records : Facebook

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