Hot! Rom, l’homme itinérant

 

 

Romain Potocki, Rom l’Homme itinérant.

 

 

 

Au détour d’une soirée à Ouakam, j’ai rencontré Rom, l’homme itinérant.

J’étais venue saluer Doulcy, le créateur fou, que j’avais interviewé quelques jours auparavant. À peine arrivée, je me dirigeai vers la terrasse des Petites Pierres. Après un certain nombre de salutations, je me retrouvais au milieu de l’atelier de Doulcy. L’artiste discutait avec un homme ; Rom. J’appris quelques minutes plus tard, que Rom venait de sortir un livre, un livre qu’il avait écrit durant ses voyages. Cela suffit à piquer ma curiosité. Je proposai à Rom, un rendez-vous à la Boite à idée, pour une interview.

 

 

Aujourd’hui, depuis la cour de la Boite à Idée, autour d’un café, Romain Potocki me raconte son histoire et accepte tout sourire de répondre à mes questions.

•          Qui es-tu ?

Je m’appelle Romain Potocki, je suis d’origine polonaise, puis française et puis un peu breton. J’ai beaucoup d’origines. (Rire) J’exerce pas mal de métiers. Donc je suis un peu dépourvu, quand on me demande, qui es-tu ? Tu fais quoi dans la vie ? Ou cette question horrible ; d’où tu viens ?

Je suis reporter photographe, vidéaste, écrivain, je fais des docus, je fais un peu de tout quoi… Quand on me demande, je dis que je raconte des histoires. C’est ca que j’aime bien faire, et c’est ca que je sais faire…

J’ai grandi à Paris, mais ca fait 13 ans que je voyage et que je vais vivre à droite à gauche. Je viens de pas mal d’endroit, mais surtout d’Afrique. C’est d’ailleurs là qu’à débuté le livre. La première fois, j’ai débarqué en Afrique, ca a été un tel choc, un dépaysement et en même temps je me sentais chez moi.

Dès que j’ai l’occase, je viens me poser en Afrique. J’ai du aller dans un quart du continent.

Je suis itinérant. C’est un peu comme Nomade.

Souvent les gens pensent, quand on parle de peuple Nomade, que ce sont des gens sans bases. Mais non, nomadiser, c’est bouger, mais c’est surtout se poser. Les nomades sont des gens qui bougent pour l’eau, ou la nourriture mais se posent. Moi c’est ca mes voyages. C’est aller quelque part et me poser à un endroit et avoir la vie la plus quotidienne possible.

Les joyaux que je cherche durant mes voyages, ce sont les rencontres. Par ce parce que tu passes du temps avec les gens, et tout d’un coup ils t’acceptent complètement différemment… quelles que soient soit ta couleur, ton origine ou ton métier.

 

 

•          Dans quel pays as-tu le plus vécu ?

En Italie ou je suis resté trois ans. On m’avait proposé un boulot. Je suis arrivé du jour au lendemain, sans un mot d’italien. Et en fait, Je suis tombé amoureux pas tant du pays que de la langue. L’italien, en bouche, c’est un truc de folie ! Je suis très passionné par les mots et je pense, qu’on pense à travers les mots.

Les mots que tu emploies ne sont jamais innocents dans ta propre langue. Le fait que tu apprennes une autre langue fait que tu penses différemment. Les gens voyagent pour confirmer leurs idées reçues, sur les lieux où ils vont. Ils font ca avec un guide, et suivent des lignes.

En fait, tu t’aperçois que si tu t’arrêtes et que tu pratiques la langue… Tu changes de lunettes. Du coup tu change aussi de lunettes vis-à-vis de toi… Je pense qu’on est tous à se battre avec nous même… Le voyage m’apporte ca… Grace à un décentrement, j’arrive mieux à comprendre qui je suis.. Du coup à aller mieux vers les autres… et donc à mieux donner et mieux recevoir…

 

 

•          Comment ca a démarré ce principe de mails ; « Chers Tous » ?

J’arrive au Burkina Faso, je sors de l’avion et pour la première fois, je débarque dans cet air chaud, qui est comme liquide. J’avais l’impression d’être dans ventre de la mère. Je découvrais un autre monde. Un nouveau rapport à l’autre… C’était un tel choc, il fallait que je partage cette expérience.

Ecrire, a toujours été une nécessité pour moi. Tu n’écris pas pour le loisir. T’écris pas non plus par ce que t’as rien d’autres à foutre. J’avais besoin de partager. Comme un trop  plein. Le cœur trop rempli. Il fallait que ca sorte.

Alors, je fais comment ? J’écris des mails. C’était le début des mails, c’était en 2001.. Je vais dans un cyber à Ouagadougou.. La connexion était préhistorique… T’appuyais sur envoyer, et tu pouvais aller faire tes courses au bout de la ville avant que le message parte..  Le seul choix était d’écrire un mail collectif.. Ce qui est contraire à ma philosophie de l’amitié.  Pour moi c’est d’abord du un à un. Je me retrouve devant ce casse-tête, de dire quelques choses de très intimes à chacun.. Et en fait, c’est ca qui donne le ton des mails… Ca serait un mail collectif où je parlerais à chacun des destinataires en perso.

C’était y’a douze ans, mais c’était un autre monde… Et j’envoie ce mail, et à ca a hyper bien marché.. Les gens m’ont fait des retours.. En me disant ; « C’est fou comment tu nous a fait voyager ». Des gens qui avaient souvent des vies de métro de boulots de dodos… Des gens que tout d’un coup ca reconnectait avec leurs propres rêves..

J’ai commencé, j’avais 23 ans. A l’époque, si tu me demandais ma parole clef, c’était REVE.  Comment poursuivre ses rêves, comment vivre de ses rêves.. C’était ca le centre de ma vie.. Aujourd’hui, je vis de mes rêves et ils me font vivre. C’est ca qui a été transmis. L’espoir de réaliser ses rêves. «Il est allé au bout, donc ca veut dire qu’on peut y arriver. » Ca devenait possible. C’est l’envie qui fait que ca marche… Du coup, j’écrivais des dédicaces à la fin de chacun mail, ou chacun pouvait se reconnaitre… Par exemple: « Je salue celle qui a un nœud pape rouge.. ».

Ce n’est pas tant des mails de voyages, c’est des mails de vie. Le livre est dédicacé à trois personnes, des amis, qui ont reçu ces mails pendant longtemps, jusqu’à ce qu’ils se suicident. A un moment, le désespoir a été trop fort. Il est dédié à eux.. Parce que c’est un livre pour se souvenir que la vie est belle. Même quand tu es dans la merde absolue, même quand t’es dans le noir.. Ca les a pas sauvé.. Mais c’est un livre avec ca en toise.

 

 

 

•          Combien de courriels as-tu envoyé ?

On les a beaucoup triés et sélectionnés pour le livre. Mais il doit y avoir une cinquantaine de textes. Ces mails n’ont aucune fréquence. C’est différent avec le blog.. Où là, y’a des statistiques, une fréquence à respecter… C’est ce qui est horrible, ça t’impose une régularité… Alors que pour les mails, je peux ne rien écrire pendant deux ans et aller en Argentine pour deux semaines et en écrire trois d’une traite…

Y’a eu toute une tradition de littérature épistolaire. Mais que les mails puissent faire littérature, ca, ca fait toujours bizarre aux gens. C’est nouveau…

J’écris tout le temps, sous toutes les formes, dans un carnet, pour un bouquin, des nouvelles, des cartes postales… J’adore ca ! Mais l’écriture mail, c’est un truc à part, différent… Par exemple le long mail, le mail bilan, que t’écris au bout d’un mois et demi, en te disant oh putain, faut que je réponde… et en même temps,  t’attends ce moment particulier ou tu te poses avec l’autre… C’est intime, tu te lâches plus dans le langage… L’argot est une voix que j’utilise beaucoup dans cette écriture là… Mais cette voie correspond beaucoup plus…

•          Quel pays, il te reste à faire ?

Y’a un mot, dans tous la langue, qui me fait tiquer ! Faire un pays ou faire une ville.. C’est mon anti voyage. Moi je ne vais pas faire un pays, au contraire… Le voyage ca te rend humble, tu vas être tout seul, tu vas désespérer, même, à certains moments. Pourtant y’a des gens qui vont te tendre la main et t’ouvrir une porte. et ben, tu leur diras merci ! Parce que c’est que grâce à eux… Pour moi le voyage, c’est te dépouiller, c’est te mettre à disposition. Je te disais que j’adore me perdre… Parce que tout d’un coup t’es dépendant des gens, t’es obligé de leur parler… Et tu t’aperçois de la facilité avec laquelle t’es soutenu, secouru, emmené quelque part. Je ne fais pas de plan de voyage. C’est les gens qui m’emmènent.

Donc disons ; Où est ce que tu veux que le livre t’emmène?  qu’on veut aller ?

Faire du stop sur une route en argentine ? Prendre des bombes à Beyrouth ? Sortir de l’avion au Burkina.. ? Etre dans le métro à Paris..? à Tanger, qui est une ville ou je reviens très souvent ? On peut aller en Sierra Léone, à 8h du mat boire un café noir dans tes verres à shoot, en écoutant du reggae de folie. On peut aller en Sibérie, rencontrer des éleveurs de reines, qui élèvent leurs d’animaux à -40 degrés. On peut aller en Afrique du Sud, à l’autre bout du monde…

Ce livre n’était pas un livre, c’est vraiment un délire. Et je crois que tout le monde est sensible à ça. C’est juste, que je te raconte mon histoire, comme si t’étais ma veille pote…

As-tu jamais rencontré des anges ? J’ai rencontré deux anges. L’un sur un bateau en Croatie à deux heures du matin et l’autre, à Freetown à huit heures du matin. Faut croire que les anges sortent le matin. Ce que j’appel Ange, c’est quand dans les moments de ta vie où t’es un peu paumé se pointe quelqu’un qui est la personne avec qui tu as besoin de discuter.

 

 

A lire : « Où l’on parle de l’âme sur un petit bateau croate. » Mljet, 5 Septembre 2004

•          Arriveras-tu à te poser ?

Ce qui est paradoxal, c’est que je suis un putain de casanier. Je suis un villageois, moi ! Je me suis posé dans le passé. Je me suis posé cinq ans à Paris. Je voyageais encore, mais des voyages plus courts plus petits voyages… Avant d’arriver à Dakar, j’étais à paris. Je bossais sur le livre. Qu’est ce que ca veut dire être posé ? En même temps je suis allée à Bruxelles. En même temps, j’étais sur un porte conteneur en chine..

Mais en général, je suis plutôt posé. Qu’est ce que ca veut dire être posé.. ? Est ce que c’est rester dans la ville de ton enfance avec toujours les même amis ? Est ce que ca veut dire vivre toujours dans la même ville ? Je crois qu’on est dans un monde qui a changé, où les opportunités et les distances se sont réduites. Ensuite ouais, je suis toujours en train de me demander où est ce que je vis ? où sont mes affaires dans les étagères ?

Si t’es jamais venu ici, ( au Sénégal), tu ne sais pas que ca existe… Je pense que les gens cherchent toujours leurs enfances… Même ceux qui ont eu des enfances un peu difficiles. Moi ma manière de rester enfant, c’est de pas rester adulte dans le mauvais sens du terme…

 

 

Rom lit à présent l’extrait du texte de Saint Exupéry, la rencontre entre le renard et le petit prince. Ce texte introduit l’œuvre de Romain.

S’apprivoiser ca prend du temps. Ensuite, je pense que tu vis aussi dans la ville de ton amour. Moi c’est des choses qui m’ont fait changer de ville. Je suis parti jusqu’ à New Delhi pour ca… Je peux me poser par amour.

•          Est-ce que tu as vraiment le temps de découvrir tous ces pays ?

Assez souvent, je suis allé dans ces endroits pour faire mon taf, un de mes tafs. De la photo, du reportage… Je vais voir des trucs, que tu ne soupçonneras jamais.  Au Cap, je suis allé dans quatre bidonvilles différents, et aussi bien dans les mégas tours du centre-ville. J’ai vu et vécu beaucoup de choses grâce à ce taf. Ensuite quand je voyage pour moi, ca va dépendre du moment.

Le voyage a été uniformisé. Y’a une sorte de norme autour du voyage. Le voyage doit rendre… tu dois toujours être dans cette efficacité, alors même que c’est ce que étais venu fuir. Pour beaucoup, le voyage c’est cocher des cases sur la carte… Au 19° siècle, t’avais pas un voyage qui se ressemblait. Je voyage souvent avec des grilles de lectures qui sont hyper étranges. Par exemple, j’ai fait le tour de l’Italie pour voir qui faisait le rap italien.. Je me suis retrouvé dans des endroits incroyables…

J’espère que le livre donne envie de bouger dans tous les sens. Si j’ai accepté de faire ce bouquin, c’est parce que je voulais que les gens aient des fourmis dans le cœur, puis dans les jambes.

 

 

La parole de Sagesse de Rom :

« L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le coeur »

de Saint Exupéry

Copyright photos prises par Romain Potocki durant ces voyages.

Ou retrouver Rom :

http://romainpotocki.com/

http://homme-itinerant.fr/

 

 

 

 

 

 

 

 

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