Hot! Pierre Gosse Diouf

Pierre Gosse Diouf

J’ai rencontré Pierre au Goethe Institut à Dakar. L’artiste m’attendait dans la galerie de l’institut, accompagné de son ami Pierre6Emmanuel Billet. Après quelques minutes de discussions, Pierre Gosse me proposa de faire la visite de son exposition « Kora Corps » de ses peintures et sculptures.

Kora Corps est la première exposition de cet autodidacte de 36 ans. Kora Corps est une fenêtre sur les relations entre les corps féminins (symbolisés par la Kora) et masculins, mais aussi sur les rapports sociaux qui régissent la société sénégalaise. Pierre Gosse expose à travers ses toiles son histoire. Il met dans le même temps en exergue l’évolution de nos sociétés. Je ne connaissais pas le travail de l’artiste, et j’appréciais ce que je découvrais peu à peu.

Avec Pierre, nous démarrons la visite par la pièce centrale de l’exposition : « La Tresseuse », acrylique sur toile, d’un mètre vingt par un mètre vingt cinq. Cette toile raconte un souvenir d’enfance, une vue du point E, ou Pierre a grandi en tant que fils de gardien, avec deux personnages féminins au centre de la toile. L’un est sa mère, la tresseuse, l’autre est une riche voisine venue se faire tresser. Reflet d’une entente possible entre deux univers, l’un riche et l’autre pauvre. Pierre a voulu montrer le rôle des femmes qui animent et embellissent la société urbaine. Les cheveux sont des files électriques. «  À travers elles, le courant passe. » Pierre semble nostalgique de cette époque paisible et heureuse. Une époque où les enfants jouaient dans la rue. Aujourd’hui, ils n’ont plus ces espaces d’expressions. C’est drôle, j’ai aussi grandi au point , et bizarrement, ce tableau me renvoie à cette innocence et ce calme perdu. Un flot de souvenirs me revient à l’esprit, peut-être que je faisais partis de ces enfants qui couraient et jouaient à quelques mètres de sa mère.  J’imagine que le choix de Pierre Gosse d’exposer au Goethe institut à quelques rues de son enfance n’est pas du au hasard…

En 1998, dans le quartier de son enfance, Pierre rencontre un artiste, qu’il côtoie pendant deux ans. Pierre devient son apprenti. C’est avec lui, qu’il apprend à créer, observer, mais aussi à interpeller, et surtout à concrétiser ses rêves via ses toiles. Pierre Gosse se balade entre l’abstrait et le figuratif, en variant techniques et thématiques.

La visite se poursuit, nos regards s’arrêtent maintenant devant « Gardiens du temple ». Cette œuvre est un hommage à son père, qui toute sa vie, a été gardien. Au-delà de çà, la toile s’attarde sur une problématique importante, la situation difficile de ces hommes de l’ombre, qui pourtant, nous protègent et veillent sur nos biens au quotidien. Souvent, ces hommes sont sans diplômes, ils deviennent gardiens, par la force des choses. Condamnés à faire ceci toutes leurs vies. Pierre est devenu gardien lui aussi. Il peint le jour, et veille sur les biens d’autrui la nuit. «J’espère qu’un jour, leurs situations s’amélioreront… ils peuvent marcher dix kilomètres pour aller au travail. J’aimerais que les gens voient ces difficultés et respectent plus ce métier. » Ce n’est pas chose facile que de rester dans l’ombre à veiller sur des richesses que jamais ils n’attendront ?

« Le Rétroviseur » est une autre pièce de l’exposition « Kora Corps » que j’apprécie.  La toile représente une anecdote d’un voyage de l’artiste, qui aurait pu se transformer en cauchemar. Sérère d’origine, Pierre Gosse quittait son village natal, Ngohé Ndofongor, pour la capitale. Sur la route, une roue du car, qui le transportait, lâche… Pierre voyant la scène depuis le rétroviseur, avise immédiatement le conducteur qui réussit à éviter de peu le danger.  Ce tableau représente un mélange entre un rétroviseur, et un tableau de bord. L’œuvre devient un outil de pilotage, qui nous invite à la réflexion, ainsi qu’au devoir de mémoire. Pierre aimerait conscientiser les gens, et leur dire de ne pas oublier les traces qu’ils ont laissés, pour mieux penser à l’avenir, et au chemin à parcourir.

La visite continue, Pierre Gosse Diouf m’explique son travail et les liens avec sa propre histoire, ainsi que son regard sur notre société contemporaine en pleine mutation.  Mon regard s’attarde bientôt devant une toile intitulée «Lady commandement». Acrylique sur toile, de quatre vingt quatorze centimètres par un mètre trente, je m’interroge devant cette œuvre. On y voit une femme qui se déshabille. Est-ce une noire qui cherche à se blanchir la peau ou une blanche, qui cherche à se noircir le teint ? Dans un cas ou dans l’autre, Pierre ne comprend pas pourquoi ces femmes altèrent leurs identités et ruinent leurs santés. Cette femme est enfermée dans une pièce, sous l’œil de témoins, qui prônent un retour aux écritures saintes. Pierre Gosse les présente plutôt comme ses conseils d’artiste. J’apprécie d’autant plus ce tableau car une lecture différente est possible. On la croirait enfermée dans une société emplie de dogmes et de règles, qui finalement détruisent cette femme. La problématique d’une identité culturelle en perdition me parle et fait finalement échos à un de mes combats : «Nioul Kouk, la contre campagne. Stay Natural !»

Je continuais la visite et une heure après mon arrivée, je finis par quitter le Goethe Institut, en remerciant chaleureusement Pierre Gosse pour ce travail plein de promesses.

Sur ces mots, je vous invite simplement à aller voir le travail de Pierre.

Rdv au Goethe Institut jusqu’au 07 Juillet. Sinon, vous pouvez également retrouver l’artiste, sur son site…

http://pierregossediouf.wordpress.com

http://www.youtube.com/watch?v=MjBZ-ZzC26A

 » Kora Corps »

Kora corps

« Pincez tous vos koras, frappez les balafons »
Faites chanter les tamtams, les paroles du Poète

Un état d’âmes unies, sous un même drapeau

Vert jaune rouge, une étoile, un pays, un chaudron

On partage son plat. Plat qu’est haut en couleurs

Les cordes vocales de mon arc en ciel

Diolas, lébous, sérères chantent le toucouleur

Nous sommes là nous frères

La brousse contre la bourse

Nous sommes la lumière

Les tresses et les frimousses

 

Mais elles grincent les koras, la calebasse au bal casse

La peau drap noir jauni. Le tableau est à vendre

Y a son cadre qui dévie. Les oreilles sont absentes

La terre est atterrée et le ciel est de cendres

La rue est étouffée, elle oublie ses vendanges

 

Sénégal ma pirogue : l’écume contre l’enclume

Regarde quand le pire vogue, quand tu y laisses des plumes

Retrouve donc ta force, ton rire et ta sagesse

Apprends de ton chemin et souviens-toi des liesses

Pas besoin d’être féroce : Un accord, une caresse

 

Sénégal, faut-il que je te fasse un dessin ?
Pour toi, t’as pas d’égal, t’es le roi des malins

Ton talent est ta chance, tes rêves, ton insouciance

Mais regarde à ta porte la femme qui balaye
Parfois tu te comportes tel le miel sans l’abeille

 

« Pincez tous vos koras », ‘’frappons les balafrés’’

Chacun a son aura, addict à sa dictée

Des corps affûtés aux bébés sans biberon

L’accord est imparfait, les luttes intestinales

Les pinceaux emmêlés, la palabre est bancale

 

Les cordes vocales de mon arc en ciel

Diolas, lébous, sérères chantent le toucouleur

Nous sommes là nous frères

La brousse contre la bourse

Nous sommes la lumière

Les tresses et les « free muus »

 

Sénégal, mon régal, regarde tes gardiens

Ecoute le vent du loin, ses échos dans ton pré

Sache trouver dans ton sein ta saine égalité

Danse donc ta chaude ronde, tes arômes sont magiques

Et soulève ta fronde quand surgit le tragique

 

Les cordes vocales de mon arc en ciel

Diolas, lébous, sérères chantent le toucouleur

Nous sommes là nous frères

La brousse contre la bourse

Nous sommes la lumière

Les tresses et les « free muus »

 

Pinçons tous nos koras ! Dansons au bal à fond !
Le soir a ses rosées. Le berger est aux anges

Une boucle, un collier. Les oreilles sont contentes

La terre est déterrée, le ciel est son miroir

La nuit est un foyer d’où rejaillit l’espoir

 

Auteur : Pierre-Emmanuel Billet, mai 2013, http://communlundi.com,
Variation autour de l’hymne sénégalais et de l’œuvre de Pierre Gosse Diouf
http://pierregossediouf.wordpress.com

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