Hot! Dyana Gaye

Dyana Gaye

 

J’ai rencontré Dyana Gaye au cœur du centre Cinékap, le studio de production cinématographique et audiovisuelle Ouest Africain situé à Dakar. Dyana était là pour la promotion de son premier long métrage, Des Etoiles, film primé au Festival de Toronto ainsi qu’au Festival Premiers Plans d’Angers. C’est dans les locaux de Cinékap que Dyana, la veille de la première,  m’accorde une interview pour la plateforme culturelle Wakh’Art.

 

 

Je m’appelle Dyana Gaye, je réalise des films que j’écris, qui se passe principalement à Dakar, au Sénégal depuis le premier court métrage, en tous les cas, c’est là que mon imaginaire travail, avec un regard plutôt singulier puisque je suis basée en France et que je vis à Paris, je travaille sur la partie de mon identité que je connais là moins bien.

Mon premier court métrage date de 2000. «Une femme pour Souleymane ». C’était mon film de fin d’études. Ce film raconte la vie d’un immigré sénégalais à Paris, qui s’invente une vie ordinaire en correspondance avec sa famille restée à Dakar. C’est un aller retour entre paris et Dakar. Déjà dans ce film, il était question d’un parcourt, d’un migrant, d’exil, de solitude, d’enfermement, de mensonge. C’était un peu un point de départ pour « Des Etoiles », ou j’avais cette fois ci envie de travailler sur des destins croisés, des personnages plutôt féminins au départ. Celui de Sophie qui a émergé tous de suite dans le processus d’écriture. Après, j’ai ouvert le scénario sur trois espaces, trois géographies, pour qu’il y est plus de possible, dans des contrepoints, des résonnances, des trajectoires, celle de Sophie qui quitte le Sénégal pour l’Europe et celle de Thierno qui quitte New York pour le Sénégal. Je ne voulais pas que ce ne soit pas linéaire. L’idée du mouvement de la circulation, puisque se sont trois personnages qui se chassent les uns les autres, de leurs territoires.

Entre l’écriture et la sortie du film qui a eu lieu en France, le 29 Janvier 2014, ils se sont écoulés trois ans et demi. Je me suis mis après la sortie de mon film précédent, « Transports en Commun ». C’est plutôt rapide. Enfin, tout est relatif, c’est le processus d’écriture qui était long. Il a duré deux ans. J’ai co-écris le film avec Cécile, c’était une écriture à quatre mains. C’est asses précieux, puisque c’est difficile d’écriture sur un format long. Une fois que le film a été mis en financement, les choses sont allées très vite. La première a eu lieu à Toronto, en septembre dernier.

Les gens réagissent plus bien. C’est agréable. Je suis sortie un peu fatiguée de cette expérience de trois tournages dans trois pays, trois langues, trois équipes, trois distributions différentes. Et puis aucun des personnages ne se rencontrent. Donc j’ai eu l’impression de tourner trois films d’affiler. A Turin, il faisait moins 15 °C, à Dakar, il faisait 35°C, après New York, avec les décalages horaires etc. Donc, oui un sentiment de fatigue, mais la rencontre avec le publique permet d’annuler les obstacles qu’on a pu rencontrer. On nous témoigne beaucoup d’émotions. C’est une période assee étrange la sortie d’un film. Le film ne nous appartient plus vraiment. On s’en défait petit à petit. Et à la fois, c’est le moment le plus fort, parce que c’est la rencontre avec le publique et c’est pour le public qu’on fait ce genre de métier.

En rentrant, je repars à la rencontre du public, dans les salles, à la rencontre du public. Ca s’étire jusqu’au mois de Mai. Mais je suis déjà entrain de travailler sur un autre projet, un court métrage que je dois tourner dans un mois. Tous se bousculent un peu. J’essaye de préserver mon quotidien, ma vie de famille etc. J’ai le sentiment de tourner en rond au bout d’un temps. C’est une phase un peu nombriliste que je n’aime pas non plus. Au bout d’un temps, y’a plus vraiment de surprise. J’aime bien me remettre à écrire, à travailler. Ma grotte est à la campagne à 50 Km de Paris.

Le cinéma c’est venu asse tôt, ma mère était et reste très cinéphile. J’ai eu un éveille au cinéma dès mon plus jeune âge, avec ma sœur. Mon père avait une caméra très tôt. Il faisait des films de famille. On se mettait un peu en scène avec ma sœur. Je voyais bien déjà à l’époque, que les films se fabriquaient. Mais l’approche était différente. Très vite j’ai compris que c’était une série de métier. J’ai su asses tôt mon orientation scolaire. Vers 13- 14 ans, j’ai su que je voulais faire ca. Après mon bac, j’ai fait une fac de cinéma. Les choses se sont simplement enchainées. Mon entrée au cinéma, vient vraiment de films de comédies de musicales asses populaire, du type : Marie Poppins, les duos de Fred Aster et Ginger Rogers, Chantons sous la pluie etc. Avec aussi un plaisir pour les comédies musicales françaises, Peau d’âne, les Demoiselles de Rochefort. Ainsi que le cinéma populaire des années 80, Dirty Dancing & Compagny. J’ai étudié pendant longtemps la musique. J’ai fait le conservatoire. J’ai aussi étudié la danse. Le cinéma c’était mettre au cœur d’une même pratique mes différentes aspirations.

 

 

Mes films sont très musicaux, très nourris de toutes ces pratiques qui font ce que je suis. Ca fait partie de mon écriture cinématographique. Le cinéma je l’envisage  comme quelque chose d’asses enchanteur, de magique. J’ai un cinéma qu’on qualifie parfois de positif. Je n’aime pas être dans une écriture très frontale. Je déteste basculer dans quelque chose de misérabiliste, de nécessairement noir. J’aime bien trouver des formes plus poétiques, plus ludiques et je pense que ca ne nuit pas au débat ou à la réflexion. On n’est pas dans un récit, de toute façon, je ne fais pas des films à intrigue, je fais plutôt des chroniques, qui sont inscris dans la fiction, qui se nourrissent beaucoup du réel. Mes films sont très écris, mais je tourne toujours en décor naturel.  J’aime bien inscrire la fiction dans le réel. Je ne fais jamais de casting de figuration. J’embauche les gens dans les décors. Y’a souvent un allé retour entre la fiction et le réel qui s’opère.

Ce film a été asses peu financer, il n’y a pas un casting connu, les thématiques font un peu peur. Donc les gens ont du mal à me caser et donc oui, on a du des difficultés à trouver des financements. En plus, je ne suis pas représentative d’un cinéma français et à la fois ici, on ne me considère pas comme une cinéaste sénégalaise. Je suis vraiment entre les deux dans un territoire, une espace de pays imaginaire entre les deux, à l’image de ma double appartenance culturelle. C’est complexe. C’est encore une problématique dans les mentalités du monde dans lequel on vit et de ce des deux cotés. Alors que je pense qu’énormément de pratiques artistes n’ont pas de frontière. J’ai un peu de mal  avec les gens qui ramènent les films à des origines. Je trouve que c’est un outil asses universel. Rien ne dit qu’un jour je ne ferais un film au japon, en japonais. C’est un peu énervant d’être réduit à une géographie.

Des salles de Cinéma sont entrain d’être rénovés, des bourses, des aides à la production sont mises en place depuis l’an dernier. Donc c’est encourageant, mais les financements dans le cinéma et la culture de façon générale manquent. Le cinéma sénégalais est l’un des premiers en Afrique. Après, on nous dit que la culture n’est pas une priorité. Mais ni l’éducation, ni la santé ne le sont. Il n’y’a plus de curseur de priorité. Mais on ne sait pas ou est la priorité. Quant on voit ce que ca coute un film… Je ne peux pas faire un film toute seule. Ca nécessite énormément des moyens. Et c’est vrai que dans un pays ou on meurt encore de faim, le cinéma n’est pas une priorité. Dans ces conditions, on ne peut pas aborder les questions du cinéma, elles sont secondaires même si c’est ma raison de vivre.

Mais je reste optimiste, parce que le Sénégal est un pays de résistance. Je reste fasciné par ce que les gens peuvent produire malgré la difficulté, malgré les obstacles. Le cinéma reste très pauvre. Y’a à peine un film par an, donc  on ne peut pas parler d’industries. Il y’a un abandon total, il n’y a pas d’éducation. Il faut une formation à l’image. Un apprentissage de la technique. Apprendre à écrire des scénarios. Il faut arrêter de se lever le matin et de se dire, je suis artiste. Y’a un espèce de magma de formation, qui me semble être la base. On devrait pouvoir apprendre le cinéma à l’université. Le cinéma est un médium incroyable. Les films sont des fenêtres sur le monde. La télévision ne fait pas ce boulot là. Et au bout de la chaine, il y’a pas de salles d’exploitations. Et c’est triste, quant j’étais enfant, il y’avait 50 salles dans Dakar. C’est violant. Pour 100 francs on pouvait aller voir un film.

Les générations qui viennent ne connaissent pas le cinéma. Y’a pas du tous de passerelles qui s’opèrent. Si je fais du cinéma, c’est parce que je suis passée par l’état de spectateur. Et aujourd’hui il y’a des générations entières de spectateurs qui sont amputés de çà.

 

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