Hot! Florence Poirier NKPA

Florence Poirier NKPA

J’ai rencontré Florence à la Résidence Vives Voix au Point E. Elle séjournait à Dakar depuis quelques jours maintenant. A mon arrivée, Florence était en plein chantier d’installation, de l’exposition qui devait se dérouler deux ou trois jours plus tard. Cet évènement s’inscrit dans le cadre des Partcours 2015. Un peu gênée de l’interrompre durant cette phase importante, je lui posais quelques questions auxquelles Florence répondit gentiment.

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Florence

«  Je vis et travaille en Caraïbes, à Saint Martin au Nord de la Guadeloupe. J’ai beaucoup voyagé et rencontré mon mari en Guyane. Aujourd’hui nous voyageons souvent en Afrique aussi car il est originaire du Nigéria. J’avais déjà vécu au Cameroun, avant de m’installer en famille en Caraïbes. Professeur d’arts-plastiques de formation, cela fait six ans maintenant que j’ai repris ma pratique artistique et c’est en 2010 que j’ai créé une structure qui s’appelle, Headmade Factory. Avec cette structure, nous créons des projets inter-caribéens et nous les développons à l’international ; un projet comme Remix & Me sur lequel je travaille avec François Piquet est un exemple. Pour vivre, je suis créatrice de bijoux et pour exister je suis artiste ! Je compte arrêter mon métier de créatrice de bijoux et fermer ma boutique pour me consacrer pleinement à mon métier d’artiste. C’est aboutissement… »

La démarche artistique.

« Mon travail artistique tente d’élargir la notion d’autoportrait à travers deux questions : « Qui es-tu ? D’où viens-tu ? » Il est à l’image de ce que l’on fait lorsqu’on rencontre un personne pour la première fois. En l’occurrence il s’agit là de me rencontrer. Mes photomontages déclinent mon image en trois couches. La façade, puis l’image que l’on se crée de l’autre à travers la discussion de la rencontre et enfin, l’image de la réalité de l’autre que l’on découvre éventuellement. Ce travail-là, se fait à travers un mélange de figures qui se superposent et les signes graphiques et identitaires qui restructurent le tout. Je travaille sur l’autoportrait, puisque c’est moi que je donne à voir à l’autre mais à travers ces trois superpositions d’images, l’apparence, la fiction et une réalité où se mélange apparence et fiction.

Ce qui est drôle, c’est qu’on ne peut pas donner sa propre image dès la première rencontre, c’est l’autre qui se l’imagine. Et les figures que je crée sont en fait des avatars, des personnages que je ne suis pas, que je ne veux pas et ne peux pas être et surtout que je ne serais jamais. Concrètement, c’est à une déstructuration complète de l’autoportrait à laquelle le spectateur assiste, il s’agit de représenter « le fantasme de l’autre ». C’est à travers cette phrase-là, que je réponds à la question, qui est posée dans notre projet «  Remix & Me », cette question du rapport à l’autre et comment mon imaginaire invente l’autre et moi même à travers cette première rencontre ?

 

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Le processus de création.

« Dans ma pratique j’utilise tout d’abord des photographies que je fait des gens que je rencontre. Je les déstructure et restructure au niveau des formes, couleurs et matières et j’y ajoute de signes de reconnaissance culturelle et stylistique. Comme un Dj qui utiliserait des sons de diverses origines géographiques, je mixte les influences culturelles qui sont à l’image de ce que je considère être ma personnalité, celle d’une hydride. C’est une façon pour moi d’offrir au spectateur la possibilité de reconnaître des bouts de vie qui m’appartiennent mais qui peuvent éventuellement lui appartenir aussi. J’imprime mes photomontages sur un support vinylique transparent ce qui me permet ensuite d’amalgamer les couches d’existences des visages imprimés. Comme je me considère à l’image d’un être multiple et divers et c’est donc ce que je souhaite donner à voir. Il me fallait trouver une matière transparente. Donc je superpose des feuilles de vinyle imprimé. Les autoportraits que je multiplie à l’infini sont des empilements d’individus, d’individualités et de personnalités qui me permettent de me définir comme un être divers en perpétuelle transformations et pour qui le pur, le simple, le clos, le distinct, le définit ne sont pas des critères identitaires.»

Les Paires de Florence.

« Oui, il y a des artistes qui m’inspirent. Je pourrais dire que certains travaux de Orlan m’ont aidé à interroger ma pratique ceci dès que l’on admet qu’elle créé son propre métissage en mélangeant visage d’occidentale à celui d’autres peuples. Mais au fond, je ne me métamorphose pas, car je ne passe pas de mon image à celle d’un autre individu qui se voudrait hors norme. Mais je considère que les rencontres font que je suis déjà et continuellement en devenir et je réponds ainsi à la question Qui es-tu ? D’où viens tu ? Je viens d’ici, de nulle part, de partout et d’ailleurs. Si comme Orlan et Cindy Sherman je transgresse ma propre identité en la redéfinissant, ce n’est ni pour inventer un nouveau physique à l’être humain, ni pour critiquer les canons de beauté que nous impose la société, mais simplement pour donner à l’autre qui me regarde une possibilité de s’inventer lui même à l’image de la diversité : une diversité en perpétuelle transformation.

Et c’est là que je voudrais parler du travail pictural de Francis Bacon et de Paul Rebeyrolle. Ces deux artistes m’ont beaucoup influencé, car c’est à partir du traitement de la disparition du corps en tant que forme et support de représentation de l’individu que j’ai orienté ma démarche. La transformation, la disparation, l’apparition construisent mon univers esthétique et artistique. J’aime ces figures où l’informe créé la forme. Je n’oublie pas Ernest Pignon Ernest, pour son engagement, dans lequel je me reconnais. »

 

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Son travail est un engagement.

« Engagement parce qu’au fond, dans mon envie de regarder l’autre et de lui donner envie de me voir à la rencontre du fantasme de mon image, c’est au fond aussi une question sur la tolérance que je traite. Je pense que c‘est important d’en parler, surtout en ce moment. L’humanité qui est en moi me dit qu’il faut tolérer l’autre et l’accepter tel qu’il est et tout autant pour ses différences.»

Dakar.

« Ce projet a été monté par Headmade Factory ; la structure que j’ai monté en 2010. Notre projet a été financé par le Ministère de la Culture et le Ministère de l’Outre-Mer. Nous avons obtenu des financements de la Direction des Affaires Culturelles de Guadeloupe,  de la Collectivité de Saint Martin. C’est un projet en 3 étapes, 3 résidences d’artistes. La première a été faite en Septembre, dans un lycée en Guadeloupe. En même temps que le travail artistique, François et moi-même avons mené des actions culturelles dans le lycée. La seconde, à Dakar, où on construit notre projet commun. La Troisième, devrait se dérouler à Berlin ou Prague ou en Belgique.

Ces trois résidences nous permettent de mener un projet qui s’écoule sur un an et demi. L’idée, c’est de construire ce rapport à l’autre et après de créer une exposition et surtout de mener des actions culturelles avec les écoles autour de ce projet. Dans le cadre de la quatrième petite résidence, on est financé par l’Education Nationale pour rentrer dans les écoles et travailler pendant quinze jours avec les élèves sur cette thématique. 

On est ravi d’être là. Cette résidence à Dakar, nous a permis de créer notre propre projet artistique mais aussi d’envisager de créer des projets ici. J’ai un projet que je suis en train de construire pour 2016, qui est tout à fait transposable ici, parce que c‘est un travail autour de l’art de la prévention et du diabète. J’ai juste pris des contacts, donc on verra, mais pourquoi pas une résidence ici l’année prochaine ? »

 

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Un mot de la fin.

«  Je remercie tout particulièrement Ghaël Sall et Vydia Tamby qui ont largement favoriser notre accueil dans le milieu artistique dakarois et tous les gens qui nous ont reçu… sans façon. C’est quelque chose d’assez agréable… »

Retrouver Florence sur :

http://www.florencepoiriernkpa.com/

http://www.florencepoiriernkpa.com/images/Avatar-comme-autoportrait-nov2015.pdf

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