Hot! Yannick Eyeghe et sa plateforme adziik

 

 

Yannick Eyeghe

yannick1

 

J’ai rencontré Yannick et sa plateforme de téléchargement lors de la troisième édition du Salon de la Musique Africaine, à Dakar. Yannick était venu du Gabon pour présenter aux professionnels de l’industrie sa création innovante. Quelques jours après la fin de Salon, Yannick me retrouve au cœur de la Boite à Idée, pour une interview.

 

« Je suis un jeune gabonais ingénieur en informatique.

J’ai quitté le Gabon après le CM2. J’ai fait mes classes en France et j’y ai travaillé pendant sept ans. Je suis passé dans tous types d’entreprises avant de me poser dans une entreprise spécialisée dans l’adresse. Elle vend les référentiels d’adresses français aux commerçants ou publicitaires… C’est en travaillant dans cette boite qu’il y’a eu changement dans ma tête. J’ai regardé d’où je venais et là où j’allais… Au bout d’un moment, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. A ce moment-là, j’ai regardé ce que j’avais dans ma sacoche et qu’est-ce que je pouvais construire avec ça ?

Je suis revenu au Gabon pour des vacances après 9 ans d’absence. C’est là-bas que j’ai eu le déclic… Un gros changement durant une période où j’étais pommé. A mon retour de vacances, j’avais les idées plus claires, je savais ce que je devais faire. J’ai donc entamé le projet sur lequel je bosse actuellement. Le projet est né à cause d’une recherche sur un artiste connu en Afrique, que je ne trouvais nulle part en Europe. Le résultat de cette recherche m’a choqué. Comment un artiste de renom comme lui n’avait pas sa place sur les marchés musicaux européens. Je me suis rendu compte que les artistes africains n’avaient pas la place qu’ils méritent dans ce monde. On fait des icônes de personnes qui ne savent même pas aligner deux notes. J’étais scandalisé.

Au fur à mesure, durant la mise en place de la plateforme, j’apprenais beaucoup de chose sur les métiers de la musique. Je voulais créer une médiathèque en ligne sur le contenu africain. Après je me suis dit pourquoi ne pas le vendre ? Ça ferait du contenu pour les internautes et des gains pour les artistes qui pourraient produire encore plus.  C’est là que les problèmes ont commencé. (Rire) Parce que qui dit payement en Afrique, dit problème. Il fallait être intelligent, comprendre les problématiques propres à chaque pays.

 

PageEnConstruction11' - Copie

 

J’ai réfléchis un peu, et ce qui m‘a paru le plus logique, c’était de reprendre l’exemple de la téléphonie, donc le système de cartes prépayées. J’ai bossé là-dessus et mis en place ce qu’il fallait pour ce que ça fonctionne. Cette période a vu une part importante de mon entourage s’éloigner. Parce que quand tu entreprends, tu disparais et les gens ne comprennent pas. Tu es possédé parce ce que tu crées. A des moments je ne mangeais même plus, j’avais l’impression de perdre du temps devant mon assiette.

En deux ans, il s’est passé énormément de choses en Afrique au niveau technologique, c’est un terrain où les choses vont à une vitesse folle. Quand j’ai commencé les solutions de payement en ligne n’existaient pas en Afrique. Au bout d’un an ces solutions apparaissaient mais je ne pouvais pas les relier à notre plateforme. L’année suivante l’écosystème c’était mis en place. En avril 2014, la plateforme est née. Elle est officiellement lancée depuis le mois de novembre. Aujourd’hui, c’est une jeune fille qui va à l’école, qui sait lire et écrire. (Rire)

Créer la plateforme puis y vendre de la musique et des livres, c’était cool. Mais il fallait que ça serve à l’Afrique et que ça ait un sens. Il fallait donc mettre en place des conditions pour que n’importe quels artistes puissent avoir accès à la plateforme. Je me suis donc dit, il faut que les inscriptions soient gratuites. Je ne voulais pas devenir un gros mastodonte déconnecté des gens avec lesquels il travail. Du coup, j’ai décidé de rester bas dans les gains de la plateforme afin que les artistes repartent avec la plus grosse part soit 70 % de leur produit. L’utilisation d’Adziik est très simple. L’artiste est totalement autonome. Il s’inscrit et gère son catalogue comme il l’entend. C’est très simple, c’est transparent !

C’était important pour moi de créer une entreprise où l’on travaille dans la transparence, en bonne intelligence et surtout que personne n’escroque qui que ce soit ! Avec les bénéfices générés par Adziik, on pourra créer des emplois qualifiés pour les jeunes qui se retrouvent souvent sans emplois ou employés dans des sociétés par dépit, pour avoir un revenu et manger. J’aimerais qu’Adziik crée des emplois ici en Afrique pour que les jeunes arrêtent de s’enfuir en Europe. Je dis d’ailleurs le message inverse à ceux qui sont là-bas. Rentrer et apporter vos compétences au continent.

 

1528508_747802621963848_72657022343192491_n

 

Au Gabon, le milieu artistique s’est un peu essoufflé ces dernières années. Il y’a eu beaucoup de désillusions, de déceptions de frustrations et donc d’abandons chez certains artistes. Un sentiment de marginalisation et de non reconnaissance face à d’autres artistes africains notamment dans la rémunération lors de spectacles a aussi pesé. Pour recruter le contenu de la plateforme, j’ai dû aller chercher les artistes et au cas par cas, leur expliquer le fonctionnement d’Adziik. Peu d’entre eux fonctionnent en mode professionnel, souvent ils ne connaissent pas leurs droits. Donc y’a tout un secteur à reconstruire, c’est aussi un travail que je fais aux cotés des artistes de l’ancienne génération. Nous essayons de leur faire comprendre qu’un artiste doit savoir s’entourer des compétences dont il a besoin réellement et de ne plus mélanger l’amitié et le travail, même si l’un n’empêche pas l’autre. En 2015, le ministère de la culture au Gabon donne des indications encourageantes dans ce sens avec l’intention d’accompagner ces formations.

A l’heure actuelle, le catalogue d’Adziik compte donc plus d’artistes gabonais mais il va s’agrandir et se diversifier. Souvent avec deux pays frontaliers, on n’est pas capable de citer deux artistes du pays voisin. La plateforme Adziik sert aussi à ça, partager la culture de l’autre! Je me suis rendu compte du pouvoir de la culture et de l’échange. Quand on découvre l’autre, on se rend compte qu’on a souvent les mêmes aspirations.

Je rêve que la plateforme se développe et qu’elle agisse sur le terrain sur lequel elle évolue, que des emplois se créent. Que les gens soient à l’aise dans cette entreprise, qu’’ils aient un salaire descend mais surtout qu’ils soient contents d’être là, qu’ils se sentent comme dans une famille et qu’on ait des relations cordiales. Dans dix ans, Adziik doit être une référence en termes de musique, littérature et cinéma africain…

C’est notre responsabilité ! On doit, comme nos parents se sont battus à leurs époques pour changer les choses, se battre pour développer nos entreprises et donc notre continent. J’espère que cette entreprise sera un exemple pour les plus jeunes. Aujourd’hui, il vaut mieux apprendre à pêcher que de demander du poisson. Il faut qu’on se prenne en main, qu’on se raconte nous-même. »

 

logo_rect

 

 

Laisser un commentaire

Your email address will not be published. Required fields are marked *