Hot! Saintrick

Saintrick est un chanteur, aux multiples casquettes. Chanteur, musicien, slammeur, comédien, écrivain… Saintrick fait partie des grands noms de la musique africaine. C’est un personnage qu’on ne présente plus. Je le retrouve à son bureau, à Ouakam. Durant Deux heures, il m’éclaire sur sa carrière, et son parcours entre Congo et Sénégal.

 

Saintrick est un artiste congolais. Mais, comme il le signale,  « Je suis respecté mais pas adulé au Congo ». Arrivé au Sénégal, à l’âge de 5 ans, Saintrick a grandi à Dakar. Il a étudié aux Cours Secondaires Sacré Cœur, avec d’autres grands noms de la musique, comme Didier Awadi. Il apprend durant ces quelques années la culture sénégalaise et la langue nationale, le wolof.  A 15 ans, il repart au Congo Brazzaville, suite au décès de son papa. La famille Mayitoukou est rapatriée. C’est un jeune sénégalais qui rentre au Congo. Saintrick doit réapprendre sa langue natale et toute une nouvelle culture.  «  C’est là ou ma vie bascule. C’est le décès de mon père qui a fait que je suis devenue musicien. »

 Au Congo, la tradition veut que lors du décès d’un père, se soit les sœurs du défunt qui héritent et donc leur enfants. Nous sommes dans une société matriarcale. Du jour au lendemain, la famille de Saintrick passe de tout à rien. « Nous rentrions dans une nouvelle vie. » Spoliée de tous ses biens, la famille est bafouée par les siens, accusée à tort du décès de leur père. La famille de Saintrick encore en deuil, doit s’en sortir. La mère, qui faisait partie des premières couturières de la marque « Singer » à Dakar au Sénégal, a dû vendre des beignets. Saintrick et ses frères revendaient du pétrole, et faisaient divers petits boulots pour s’en sortir. La famille va vivre des années difficiles. Ce drame familial va pousser Saintrick à écrire et jouer de la musique pour exprimer cette frustration. Depuis Dakar, il joue de l’harmonica. Mais Saintrick se rend vite compte qu’il ne peut se limiter à cela. Il apprend peu à peu à jouer d’autres instruments.  « Si je devais repasser par-là, je revivrais la même vie. Toute ma carrière artistique vient de là. Toute considération que je peux avoir pour l’être humain vient de là. » Saintrick était révolté, en colère, frustré. Il a eu envie de dénoncer les choses. C’est ainsi qu’il devient un artiste engagé. Il crée peu après en 1988, un groupe du nom de « Clef Boa ». C’était un groupe d’harmonicistes. Victime de son succès, le groupe vit un an. Saintrick veut faire plus… Il reprend la passion de son père : La guitare.  En effet, son père avait été musicien, guitariste. Son frère ainé, jouait également de cet instrument. A l’époque Saintrick annonce « un jour je rentrerais dans mon pays, le Sénégal. » L’artiste rejetait totalement le Congo.

10 ans après, Saintrick sort son premier album en 1993. Il fait la une du l’hebdomadaire de l’époque, « La Semaine Africaine ». Il fait de la publicité. Il passe à la télévision, à la radio. Son Album fait le Buzz. C’est alors, que la famille paternelle, qui leur avait tourné le dos, revient vers eux. «  Les tantes n’ont pas le droit de demander pardon aux enfants. Cela, ne se fait pas dans la culture Congolaise. » La famille s’excuse pour les maux qu’elle a causé… . Il se réconcilie peu à peu avec eux. Durant une cérémonie, les sœurs et oncles reconnaissent leurs torts et déclarent soutenir et protéger ces enfants, donc Saintrick et ses frères. La maman de Saintrick retrouve du travail en tant que formatrice, chez Singer au Congo… la situation familiale s’améliore. « C’est une revanche sur la vie. » Saintrick fait la première partie du concert de Youssou Ndour en 1993 à Brazzaville. Youssou Ndour l’intronise dans le salon d’honneur et reconnait son talent certain… La carrière de Saintrick est lancée.

 


L’artiste s’attaque, dans un climat socialo-communiste de l’époque, à ce gouvernement qui dirige le Congo Brazzaville. Il s’attaque aussi à un sujet tabou au Congo. La construction du chemin de fer du « Congo océan ». Chemin de fer, qui a couté des centaines de vies. Un mort à chaque traverse. Chemin de fer qui fait 512 km. Chemin de fer, qui a été construit dans des conditions de quasi esclavage durant la colonisation, des conditions de travaux forcés. Ce chemin de fer qui a déclenché un pseudo génocide de l’ethnie Kongo. « Ce projet a été fédérateur mais à quel prix. » Saintrick subit après la sortie de cette chanson, des menaces de morts. La guerre du Congo démarre… Saintrick reste un mois, au centre culturel français. Il est enfermé pour sa sécurité. La menace est partout… «  Menace qui ne porte ni nom, ni visage ». Le jour de sa sortie du centre culturel français, une milice, lors d’un contrôle d’identité, menace de l’enlever. Une kalachnikov sur le ventre, Saintrick habillé d’un boubou Baye Fall, doit défendre sa vie. Il donne son identité mais à cause de son nom, la milice le prend pour un opposant. Heureusement, avant que le coup ne parte, l’artiste sort sa cassette. Le milicien reconnait alors l’artiste, qui passait souvent, à la télévision. Il lui sourit et le laisse reprendre sa route. « La situation pouvait basculer d’un moment à l’autre. » Sa carrière lui sauve à nouveau la vie.

A la trêve, L’artiste organise un concert, « la nuit de la paix ». Avec 5 groupes, ils jouent toute la nuit. Etant en temps de couvre-feu, il ne pouvait sortir du CCF avant l’aube… La situation au Congo se calme. En 1996, la vie de Saintrick est à nouveau menacée. Il reçoit des coups de files anonymes, et des menaces directes alors qu’il organise la 1ère édition du FESPAM. La grande guerre commence. La veille il est avec le groupe PBS, qui peinent à sortir du pays. Son frère le prie de partir pour sauver sa vie. Saintrick prend le fleuve Congo, pour fuir… Il vivra à nouveau une expérience exceptionnelle, forte en émotion. Arrivé en Centrafrique, il fait venir son épouse et son groupe. Il recommence une nouvelle carrière. Il quitte deux ans après la Centrafrique et retourne au Sénégal. Il arrive dans le pays de son enfance en 1999. Il recommence une troisième fois sa carrière. Depuis il vit ici. Le public Sénégalais l’apprécie et reconnait aujourd’hui son talent. Saintrick est en finition d’un livre auto biographique, qui reprend le périple que le groupe a fait pour sortir du Congo en guerre. Livre que je vous inviterai à découvrir. Riche en expérience et en émotion… le livre reprend une petite partie de la vie de Saintrick.

 


Aujourd’hui, la vie de Saintrick a retrouvé une certaine stabilité. Il a sorti son dernier album l’année dernière. Après 3 ans de travaille. « Un artiste sans disque n’existe pas. Même si le disque ne se vend plus comme avant… » Il en fait la promotion à travers tournées et concerts en Afrique et en Europe. La scène est le seul moyen de s’en sortir. L’album porte le nom de sa fille ainée : « Nsamina. » La clarté divine, le bonheur. Petite fille, que je rencontre lors de l’interview… Quel meilleure façon, que de remercier la vie ainsi… « Mon album est une œuvre d’art, je l’ai créé dans cette idée… » En effet, le concept de l’album est intéressant. Saintrick a toute une symbolique autour de la lumière, de la famille… de l’héritage qu’on laisse à nos enfants. 30% des recettes de cet album sont reversés à ZM Finance Project, une ong à caractère caritative qui aident à la micro finance au Congo Brazzaville.

Saintrick définit son style musical comme le « Yékéti ». L’élévation… C’est un mélange de rythmes africains avec la rumba congolaise dont le mbalakh a été le catalyseur. Il utilise aussi bien le Lari, le Lingala, que le wolof. « J’ai envie de découvrir, de voyager. J’aime aller rencontrer les gens. »

« Tu es le seul artiste étranger, accepté et respecté au Sénégal. »Youssou Ndour.

         « Ca fait 23 ans que je suis dans le métier. Ça me donne certains atouts pour pouvoir déceler les talents. » Saintrick, porte deux casquettes, celle du musicien, chanteur, et celle de l’homme d’affaire, avec un sens certain de la pédagogie. L’artiste soutient des jeunes artistes africains avec l’aide de son entreprise : « Zhu Culture ». Entreprise dont les bureaux se situent à Ouakam. Zhu culture propose différent service : Productions, Management, Diffusion, Formations, Expertise Culturelle, Régie Technique, Edition et Mode. L’entreprise des frères Mayitoukou soutiens les artistes en devenir et les aides à se professionnaliser. Saintrick a sortie également différents manuels pédagogiques pour aider et conseiller les artistes. «  Je leur donne tous les outils pour faire une bonne carrière. » Beaucoup de gens lui en veulent parce que Saintrick donne les clefs… C’est le premier artiste à ce niveau de carrière qui a sorti livre sur la sonorisation : « Comprendre et pratiquer la sonorisation de spectacle ». « On doit partager la connaissance, la culture Africaine. C’est notre force.»

Saintrick de par son expérience aide ces jeunes à rester ancrer dans une réalité, ou vivre de son art est difficile, mais possible.  « Dans l’inconscient africain, tu as de la valeur quand tu as joué en Europe.» Hors comme Saintrick me l’explique, tu es respecté en Europe une fois que tu es connu en Afrique. Beaucoup d’artistes africains vivant en Europe, veulent rentrer et  jouer en Afrique. Le public européen, contrairement à ce que l’on croit, reste peu informé, et peu sensibilisé à la culture du continent africain. Les Musiciens africains ne passent pas sur les grandes chaines nationales françaises. Mise à part, des grands artistes internationaux comme Youssou Ndour ou Ismael Lo. Par exemple, « Des émissions culturelles tels que « Plus d’Afrique », émission diffusé sur Canal Horizon, comme le signale Saintrick, sont diffusés en Afrique, uniquement. » Voici un exemple de réalité auxquels les artistes en devenir ne sont pas préparés. Qui plus est, l’Europe est saturée. Les jeunes talents ont énormément de difficultés à se faire de la place. Ou alors, ils réunissent à faire quelques scènes mais en petits comités. Hors, selon Saintrick, le but d’un artiste, c’est que jouer pour le plus grand nombre. À travers Zhu Culture, les frères Mayitoukou aident à développer le marché musical africain.

Pour finir, Saintrick sort également une bande dessinée… Qu’il présentera au salon du livre à Paris en Mars 2012.


On termine sur ces mots l’interview. Vous pouvez retrouver Saintrick sur internet ou trouver son album sur le marché :

www.zhuculture.com

www.myspace.com/saintricktchielly

www.saintrickofficiel.com

 

Encore Merci pour ce moment passé ensemble.

Merci d’avoir partagé tous ce vécu avec Wakh Art.

 

 

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