Hot! Laure Malécot

Laure Malécot

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J’ai rencontré Laure, au 6ème étage de l’immeuble Kebe à Dakar, elle était en réunion dans les bureaux de la Maison d’édition Vives Voix. En effet, depuis son retour dans la capitale, Laure accompagne l’équipe de Vives Voix, sur le prochain ouvrage à paraitre, sur la musique sénégalaise.

Aujourd’hui, je m’en vais dans un taxi en direction de Ngor Village, à la rencontre de Laure, qui est aussi artiste-peintre (entre autre). Après quelques minutes de marche dans les labyrinthes de Ngor, je me retrouve devant chez elle, à quelques mètres de la mer, face à l’ile.

« «Qui est tu ? » se définit comme un être humain, avant d’être une femme, avant d’être un artiste. Elle ne se considère pas française, ou africaine ou européenne. Elle essaye de se détacher de ça. Mais ce n’est pas facile.

« Je suis artiste depuis la naissance et je me suis toujours battue dans la vie ; et pour pouvoir gagner sa vie et pour pouvoir exercer mon art… J’ai rarement pu vivre de mon art, vraiment en tant que tel. » 

 

A 14 ans, Laure avait un goût pour l’écriture, mais aussi pour l’image, le son, les films. Elle choisit de faire une fac de Cinéma à Paris. A 24 ans, elle sort de l’université avec une licence de cinéma en poche et un Deug d’études cinématographiques. Nous sommes en 1994. Elle travaille pendant plusieurs années sur les tournages de cinéma à Paris, et deux ans plus tard rencontre le Sénégal, après avoir traversé le Maroc et la Mauritanie, et y reste.  Pendant 5 ans, Laure vit sur l’ile de Ngor. Enfant, Laure dessinait beaucoup. Sa première passion était la peinture. A Ngor, elle retrouve cette envie de peindre. Conseillé par son manager, qui deviendra un ami, Gaston Madeira, elle arrive à peu à peu à vendre son travail. « Tu stockes tous ca, mais au final, tu as envie de partager. Donc tu exposes et vends ».

 

Laure était un peu partagée. Elle avait travaillé sur des tournages, réalisé un documentaire au Mexique,  et avait tout plaqué pour la peinture. Elle s’interrogeait sur ses choix, et ElSy lui avait dit «Il faut que tu comprennes que le cinéma et la peinture, en fait, c’est la même chose. » « A cette époque, ElSy m’a permis de trouver mon équilibre, de ne plus douter. L’important c’est l’expression, le choix du média devient secondaire. La question tourne  plutôt autour de la notion de liberté dans l’expression. Donc se libérer des contraintes. »

 

Dans la peinture, il y a une dimension de l’ordre de l’indicible. Il y a des choses que tu dis par la peinture, que tu ne peux  pas dire en mots, ni en images réelles ». Laure m’explique : « Tu restes limité par la technique, et par ce qui peut être supporté par les gens. Donc soit, tu fais du Vidéo Art plus proche de la peinture, soit tu fais des documentaires, fictions, mais dans ce cas, tu dois respecter des normes. Ton expression se restreint finalement. » Dans la peinture, la part d’imaginaire, qui est laissé à l’autre est une pudeur de l’artiste selon Laure. « Tu te caches, en rendant les choses abstraites » me dit-elle. Et souvent, ceux sont, les autres qui t’apprennent qui tu es. La peinture, pour Laure, c’est un peu comme de la psychanalyse. « Il y’a plusieurs couches d’interprétations possibles… » . Elle fera tout de même un clip pour Dread Maxim à Dakar, « Mbolow », le clip musical est un genre créatif qu’elle apprécie.

L’année 2000 a été un grand choc pour Laure, qui a accompagné l’artiste ivoirien Waddall en Côte d’Ivoire pour les élections présidentielles, et y a filmé « des horreurs. Et plusieurs années passées à monter les images qui annonçaient la crise qui a déchiré le pays pendant 10 ans, en espérant que cela se termine.

En 2001, Laure rentre en France, avec Waddall, pour faire aboutir ce documentaire, et pour l’exposition « Ndajé » organisée par Gaston Madeira et Barbara Gomis, à Paris, et se heurte aux portes fermées des productions françaises, frileuse aux vues de la situation politique en Côte d ‘Ivoire. «  Il fallait, ces dix dernières années, tout faire pour que le pays se pacifie. Nous avons laissé nos morts dans les cassettes et tenté de vivre au rythme de la crise, nous étions loin mais nous savions …Etre loin d’un pays en guerre que l’on aime est une souffrance dont on ne parle pas assez. Tous les immigrés des pays en guerre savent de quoi  je parle. De cette impuissance pour ceux qu’on aime…. »

 

Durant ces années charnières, l‘artiste porte nombreuses casquettes… Laure devient conceptrice et animatrice radio du magazine culturel hebdomadaire Résonance Africaine (Aligre fm), en 2004. Ces années ont étés riches en rencontres, en expériences qu’elle partage avec les auditeurs. Des rencontres l’ont marqués, telles que, celle avec Alpha Blondy ou Catherine Deneuve, Rokia Traoré , Lokua Kanza, ou Zaho du Congo. Les années passent. Laure quitte à nouveau la France. Elle s’installe  en Cote d’Ivoire pour des raisons personnelles. Elle y vit durant trois ans. Laure travaille à l’époque comme chroniqueuse à Nzassa, Fréquence 2, RTI à Abidjan, intervient plusieurs fois sur TV5 dans Afrique Presse depuis Paris pour aborder la crise ivoirienne (2010/2011). En parallèle à tout cela, depuis 2009, l’artiste-journaliste écrit des chroniques littéraires sur le site de l’Institut français,  Culturessud.com, et en 2012 elle est rédactrice en chef de  Couleurs d’ Ivoires, magazine culturel à Abidjan. Durant dix ans, Laure Malecot traverse la France, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Congo, le Rwanda, le Maroc, pour filmer des artistes, animer des stages de formation de journalistes culturels, réaliser des reportages pour divers médias (Canal Plus, TV5, France Culture). Après sa rencontre avec David Hinds, leader des Steel Pulse, à Abidjan, en 2007,  elle commence une étude sur les Rastafari, et décide, à l’époque, d’aller à leurs rencontres. Il fallait qu’elle voie la source. Laure travaille aujourd’hui sur un livre accompagné d’un documentaire, ce qui représente une énorme masse de travail au vue des références et témoignages récoltés dans tous les pays lesquelles elle est allée.

Laure est revenue revient s’installer au Sénégal au mois de juillet de cette année. Laure a beaucoup voyagé. Elle aurait pu s’installer dans une autre région du monde. Mais, elle avait envie de retrouver ses amis, et tous ces gens qui forment cette deuxième famille au Sénégal. « C’est le pays où je me sens le mieux. J’ai des liens amicaux forts. Et je me sens bien avec les gens ici, la façon de vivre des gens. Normalement ca devrait être la France, mais la France, c’est un pays où je me sens mal depuis l’enfance. Je m’y suis toujours sentie étrangère »

 

Ce que Laure aime au Sénégal, c’est l’ouverture des gens. Ici, les gensl’ont acceptée en tant qu’artiste. » Le Sénégal est riche en culture, en artistes, en événements culturels, il y a un respect unanime et naturel de l’Art ». Laure apprécie l’intérêt que les habitants de Ngor, notamment, avaient pour son travail, lorsqu’elle exposait sur l’île . « J’aime la curiosité de cette population, qui regarde ton travail et qui te questionne, qui se questionne. Qui prend du temps pour cela. Qui vit l’art simplement, qui sait que c’est important.  Je crois qu’ici les artistes ne sont pas marginalisés autant qu’ailleurs, Leopold Sédar Senghor a donné le ton quand au respect que l’on doit aux artistes, au fait qu’ils expriment les sentiments du peuple. Tout le monde peut être sensible à l’art.»Laure est autodidacte en peinture, n’a pas voulu faire les Beaux-Art, pour elle l’Art ne s’apprend pas, il se ressent. «  Actuellement je prépare une exposition, et je travaille chez Vives Voix. Mon activité artistique ne va pas empêcher que la Direction de   me faire confiance. Mais j’ai aussi la chance de travailler avec quelqu’un qui aime les artistes et qui s’intéresse à eux (Ghaël Samb Sall). Quant tu le dis ailleurs que tu es artiste, très souvent on te prend pour un fou. Pourtant, tout le monde aime prendre plaisir avec la musique, les films, les livres, les images…» .  Laure, qui s’est attachée pendant son itinéraire à ne pas être cataloguée, s’exprimant tantôt par la vidéo, la peinture, l’écriture, la photographie, le journalisme, souligne que dans les pays anglophones, un artiste pluridisciplinaire est plus facilement compris.

 

Les artistes qui l’ont influencé sont pour la plupart des surréalistes. Ecrivains, peintres, cinéastes, André Breton, Luis Bunuel, Max Ernst, Dali. Pour le Sénégal, Djibril Diop Mambety a été pour Laure un véritable coup de foudre cinématographique. Elle cite bientôt Joe Ouakam,  qu’elle n’a pas beaucoup côtoyé, mais il l’a marqué. Le peintre Moussa Beydy, et bien sûr Gaston Madeira, qui suit l’artiste depuis bientôt 15 ans. « Il y a surtout  les gens que tu rencontres qui te sauvent la vie ou ceux qui te marquent de part leur histoire personnelle. Les histoires des gens me passionnent.   J’admire tous les gens anonymes qui font des choses bien, et que l’on oublie souvent, plus que toutes les stars et politiciens. »

Si Laure était une couleur :

« Si j’étais une couleur, je serais bleu. Toutes les nuances de bleu…suivant l’humeur. »

Si elle était un court métrage :

« Si j’étais un film. Je serais un film de fiction de Luis Buñuel, « Le Chien Andalou ». Un court métrage révolutionnaire de 1921. Un vrai scandale ce film. »

Ses mots de la fin :

« J’aimerais bien que les gens qui lisent ce que tu vas écrire comprennent que les artistes sont respectables. C’est difficile d’en vivre et donc nous sommes obligés de décliner notre art, notre énergie, dans d’autres activités. On devrait plus  aider les artistes. Ils soignent les gens. Sans art, la société serait beaucoup plus violente. Elle leur est donc, de fait, redevable. »

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